Mark Fallon décide d’entamer une carrière aux tables de jeu d’un steamboat, faisant prévaloir le fair play sur la tricherie coutumière. Il s’attire ainsi la vindicte d’un certain Caldwell et de Laurent Dureau, le frère d’Angélique Dureau, dont Fallon est tombé amoureux…
Récemment édité dans la collection Sidonis, The Mississippi Gambler est un film d’aventures très agréable à suivre, qui m’a évoqué deux autres oeuvres : La Maîtresse de Fer (de Gordon Douglas, avec Alan Ladd) pour l’essentiel de la trame, et puis Les années sauvages (autre film de Rudolph Maté, avec Tony Curtis) notamment pour les scènes sur le bateau. Au menu : une romance constamment contrariée, honneurs bafoués, duels, bagarres, parties de poker, et les très beaux décors qu’offre la Louisiane. L’ensemble est emmené par un Tyrone Power (Le signe de Zorro, Le Cygne Noir, L’attaque de la malle-poste) en grande forme et tout en raffinement. On retrouve également les acteurs qui ont fait les beaux jours du cinéma de l’époque, comme l’inévitable (mais toujours réjouissant) John McIntire, Piper Laurie et Julie Adams. Le scénariste, Seton Miller, a également travaillé sur La patrouille de l’aube, Scarface, Les aventures de Robin des Bois, La vallée des géants, Le Cygne Noir… Autant dire que le film a bénéficié d’une équipe très sérieuse à tout point de vue.
La fin m’a quelque peu surpris. En effet, tout au long du film, le personnage de Fallon reste amoureux d’Angélique (Piper Laurie), qui nous est pourtant dès le départ présentée comme quelqu’un d’assez antipathique. La défaite de son frère Laurent n’explique pas tout puisqu’elle se montre déjà détestable lorsque Fallon la sauve de chevaux qui se cabrent dès la première scène. C’est donc bien que le personnage, en dépit d’un joli minois et d’un prénom qui sonne comme un oxymore, est une personne froide, psycho-rigide et même vénale puisqu’elle décide d’épouser le directeur d’une banque lorsque la fortune familiale commence à tourner. A aucun moment Angélique ne se rachètera, et elle n’aura qu’à courir vers Fallon pour finalement s’unir à lui, pour mon plus profond désarroi. A côté de cela, arrive entre-temps une autre fille, Ann Conant (jouée par Julie Adams), dont le frère s’est suicidé après avoir tout perdu au jeu face à Fallon. Tombée amoureuse de Tyrone Power, elle se montre toujours positive, souriante (un peu trop vite après le décès de son frère pour que ce soit vraiment crédible), voire solaire, si bien qu’on lui souhaite de pouvoir séduire Fallon. Hélas, trois fois hélas…
Malgré ses très nombreuses qualités, le film présente quelques faiblesses. D’abord, un manque d’intensité dans l’animosité des opposants. Caldwell, l’offensé du début, disparaît très vite de l’histoire alors qu’il aurait pu être mieux exploité, et Laurent Dureau n’arrive jamais à inquiéter qui que ce soit, mais se montre au contraire toujours en dessous de Tyrone Power. Par conséquent, on a au final un peu l’impression que Mark Fallon n’accomplit pas d’exploit particulier. Il fait la cour à Angélique, monte un casino à La Nouvelle-Orléans, fait un peu d’escrime durant son temps libre. En parallèle, on suit la déliquescence de la famille Dureau, sous l’impulsion des frère et soeur, au grand désespoir de leur père. Mais ces personnages se perdent eux-mêmes en faisant de mauvais choix et en imputent la responsabilité à tous les autres, alors que celle-ci leur incombe à eux seuls. Donc, une famille fragilisée qui se désagrège complètement, et un héros bien sympathique mais sans réelle adversité (à part trois scènes). De plus, il était possible d’exploiter la mort du frère de Julie Adams pour faire monter la tension entre elle et Tyrone Power. Ce ne sera jamais le cas.
Ces quelques réserves ne m’ont en rien gâché le plaisir de découvrir ce bien joli Mississippi Gambler, que je recommande à quiconque apprécie les films d’aventures des années 1950, car il en est un exemple tout à fait agréable.
Le gentilhomme de la Louisiane, de Rudolph Maté, avec Tyrone Power, Piper Laurie, Julie Adams, John McIntire. 1h39. Produit par Universal en 1953 et édité chez Sidonis Calysta en 2013.
Par Gérald Sanzo.