Décidément, Le Lombard, lui aussi, commence bien son année avec une bande dessinée formidable entre réalité (l’histoire vécue par le scénariste Joseph Safieddine) et fiction universalisable (si les faits sont vrais, l’histoire n’est pas celle de Joseph, les personnages sont universels). Yallah Bye revient ainsi sur les événements auxquels durent faire face les membres de la famille franco-libanaise El Chatawi. De retour au pays en ce beau mois de juillet, rien ne pouvait pourtant laisser présager des moments de tension et de violence qu’ils vivraient. Nous sommes en plein été 2006, et c’est le moment choisi par Israël pour bombarder les positions du Hezbollah libanais, faisant peu de cas des victimes collatérales. Mustapha et Anna devront survivre dans les rues de Beyrouth et Tyr dans l’attente d’un éventuel et miraculeux rapatriement. Ainsi que leur fille Mélodie et leur fils Denis, en proie à l’hémophilie et qui se retrouve sans médicament, chaque minute, chaque éclat, chaque coupure peut lui être fatal. Puis, il y a l’autre fils, Gabriel, qui, resté en France, comptait bien profiter entre les barbecues et les soirées jeux-vidéos. Les minutes qu’il va vivre seront les plus dures, loin des siens, dans l’attente des nouvelle téléphonique et au compte-goutte. Et sans pouvoir rien faire de concret pour eux sinon manifester et envoyer des lettres aux puissants de France pour débloquer une situation chaotique. Une histoire nécessaire, prise par le petit bout de la lorgnette pour finalement dire des choses universelles et riches de sens, autant parce qu’elles sont scénarisées par un auteur qui connait bien l’histoire de son pays, que parce qu’elles sont dessinées par un dessinateur coréen, Kyungeun Park, qui, par sa découverte de cette histoire, a lui aussi des choses à dire.
J’ai eu la chance de rencontrer les deux auteurs de cette histoire pour un entretien riche en sujets et en analyse de cette oeuvre remarquable. Commençons par le titre « Yallah Bye! » et une couverture déjàs très symbolique. Notamment sur la figure du père voulant se racheter, Mustapha. Sur le fatalisme des Libanais, aussi.
Et si l’histoire a beaucoup touché Kyungeun Park (il a d’ailleurs vécu « un peu » la même histoire que les personnages qu’il dessine, suite à un problème d’avion, nous en parlons), il n’a pas pu s’empêcher de penser à son propre pays, la Corée du Sud et de faire un parallélisme pas dénué de sens entre Liban et Corée. Et plus généralisable à l’histoire des petits pays. Mais avant ça, retour sur cette histoire de Yallah Bye divisée en trois partie, dans le temps et dans l’espace avec un Gabriel frustré d’être aussi loin de sa famille et de ne pouvoir les aider qu’à son petit niveau.
La seule chose que pouvait faire Gabriel, outre manifester et prendre son mal en patience en attendant la sonnerie libératrice du téléphone, c’était d’adresser des mails aux Français connus et susceptibles de l’aider comme Chirac et… Chedid. Kyungeun l’a représenté, de même qu’il a imprégné son ressenti (nourri par les repérages, notamment) dans la représentation, à la fois lumineuse et oppressante, qu’il fait du Liban et des événements de 2006.
Une expérience bénéfique qui a donc conduit Kyungeun à visiter du pays, à dessiner plus avec les pieds qu’avec les fesses (comme il l’explique dans le morceau qui suit) dans un contexte de véritable poudrière. Poudrière, oui, mais Joseph avoue s’y sentir mieux qu’à Paris.
Les solutions pour assainir la situation et les conflits au Liban, Joseph ne les a pas. C’est souvent frustré qu’il revient en France après un séjour dans son pays où rien n’a changé depuis la dernière fois. Pourtant Kyungeun a peut-être vu des signes d’espoir. L’occasion aussi d’aborder le soutien d’Amnesty autour de ce livre.
Enfin pour conclure et parce qu’il y a une vie après Yallah Bye, j’ai demandé aux deux auteurs leurs différents projets. Surprise, si Kyungeun cherche de nouveaux projets, Joseph ne sait pas s’il continuera dans la BD, les prochaines années, se dirigeant plus vers l’audiovisuel avec un documentaire.
Et puisqu’il était temps de prendre congé de ces chouettes auteurs intéressés et intéressants, nous leur souhaitons une très belle année de la… chèvre! La notre commence plutôt bien avec une bande dessinée, pas politique mais universelle et plein d’humanité! Plus qu’à conseiller!
Yallah Bye!, Joseph Safieddine et Kyungeun Park, Le Lombard, 168p., 20,5€.
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