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Marc Dugain propose un livre dont la Transparence des intentions fait cruellement défaut

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Transparence de Marc Dugain est présenté comme un roman d’anticipation… Mais force est de constater qu’il n’en prend que lointainement le chemin. Cet écrivain plus habitué aux essais  (intéressants) et critiques (argumentées) s’est risqué ici dans un genre nouveau pour lui, avec plus d’obstacles non surmontés que de réussites. L’écriture est lourde, les phrases artificiellement longues, le style ampoulé et l’on se perd dans la trame de l’histoire. De plus, je n’ai toujours pas compris l’épilogue et, visiblement, les lecteurs ayant mis leurs avis sur le net n’ont pas d’avantage d’explications à fournir. Bref, un roman décevant malgré tout le bien que je pensais de lui avant sa lecture.

« A la fin des années 2060, la présidente française de Transparence, une société du numérique implantée en terre sauvage d’Islande, est accusée par la police locale d’avoir orchestré son propre assassinat. Or, au même moment, son entreprise s’apprête à commercialiser le programme Endless, un projet révolutionnaire sur l’immortalité, qui consiste à transplanter l’âme humaine dans une enveloppe corporelle artificielle. Alors que la planète est gravement menacée par le réchauffement climatique, cette petite start-up qui est sur le point de prendre le contrôle du secteur numérique pourra-t-elle sauver l’humanité?

Ce roman d’anticipation éblouissant nous dévoile le monde de demain pour mieux nous révéler celui d’aujourd’hui et mettre en lumière la plus grande révolution technologique de notre histoire. »

C’est dans un climat chaud, sur une Terre surpeuplée et au sein d’une population humaine totalement avilie par le numérique et la surconsommation que Marc Dugain plante le décors de son histoire. Les êtres humains continuent à exploiter les ressources de notre planète au-delà de toute mesure raisonnable. Chacun dispose d’un revenu universel plus ou moins élevé généré par le partage de leurs propres données.

On enregistre et partage tout : les battements de son coeur, la température de son corps, la physiologie de sa digestion, sa position géographique en temps réel, le flot de paroles et même de pensées. L’être humain est devenu un énorme pourvoyeur de données et il est rémunéré par Google pour cela. L’entreprise, par ailleurs est devenue un véritable état et commerce sur l’analyse de ces données permettant d’élire les présidents du monde entier. Cassandre Lanmordottir, présidente d’une société transhumaniste basée sur le Big Data, est accusée de son propre assassinat après avoir effectué des opérations risquées en bourse. Elle reconnait les faits mais demande un délais de 5 jours pour s’expliquer.

Jusque-là, on est dans le roman d’anticipation, une thèse est défendue par l’auteur et cela peut être agréable, intéressant et propice à la réflexion…

Ce roman innove dans la manière dont il propose de concevoir l’intelligence artificielle et la vie éternelle telle que les géants de la Silicone Valley la conçoivent. Il développe une idée différente, intéressante. Je vous laisse la découvrir car elle fait partie du plaisir. Aucun aspect technique n’est abordé mais ce n’est pas dérangeant puisqu’on lit un roman, une histoire. On n’est pas ici pour se documenter sur l’état actuel des recherches spécialisées dans le domaine (même si cela m’a manqué, je l’avoue).

La réflexion disparaîtra d’avoir renoncé à réfléchir, la pensée meurt d’une absence de pensée, l’espèce humaine est victime des mirages de sa socialisation autour du fétichisme de l’objet. »

Passé ces qualités et au delà du style emphatique, les thèses catastrophistes développées par l’auteur au sujet d’un avenir gouverné et soumis à l’intelligence artificielles ne sont pas nouvelles. Il est régulier, lors de débat, que ce dernier soit invité afin de défendre un avis exagérément CONTRE afin que le débat puisse prendre une tournure manichéenne face à un Laurent Alexandre défendant l’opinion inverse.

Soit, c’est un choix. Cette réflexion dont les traits sont grossièrement tirés est la sienne et a le mérite de susciter une réflexion. Faire avancer un peu le débat n’est jamais négligeable.

Ce qui m’a le plus dérangé est que ce roman présente son action en 2069 mais n’est que le prétexte aux avis, réflexions personnelles de l’auteur sur l’époque ACTUELLE. Et là est le problème majeur à mon sens. Que Marc Dugain souhaite émettre une réflexion (souvent pertinente) sur la politique, la société, l’environnement, la consommation d’aujourd’hui, j’en suis heureuse. Mais pour cela, il choisit de mettre ses paroles dans la bouche d’une héroïne en 2069 ! Elle justifie ses actes présents (donc futurs de 50 ans pour nous) par des pamphlets à l’encontre de Trump (à de trop nombreuses reprises dans le roman)…  

L’auteur prend le parti que les actions et inactions de Trump en matière d’écologie et d’économie auront un impact majeur dans l’évolution climatique… C’est accorder à mon sens un impact historique remarquable à un personnage qui n’en vaut guère la peine. Et c’est sans doute oublier que les présidents américains ne font que passer. Que ce que l’un choisit est immédiatement annulé par le suivant et que ce qui semble primordial aujourd’hui ne sera qu’un épi-événement dans le futur.

Hormis la référence à de grandes guerres ou dictateurs (Napoléon, Hitler…), quel individu actuel justifie ses actes présents et futurs par des événements passés d’il y a 50 ans ? Pour un roman d’anticipation, je le trouve affreusement ancré dans notre époque.

Autre exemple, toutes les références musicales sont passées… Donc, notre héroïne qui est née en 2020 n’écoute que de la musique d’avant 2018 ! N’y a t il pas un souci d’anachronisme? Elle, qui voue sa vie professionnelle aux nouvelles technologies et à l’intelligence artificielle, n’aime que les artistes ayant eu du succès avant sa naissance : peintres, écrivains, musiciens… Je n’y crois pas, cela sonne faux et cela m’a profondément dérangé.

Le roman est construit comme un plaidoyer à la sauvegarde de notre planète Terre, c’est un roman écologique qui a le mérite de se faire le reflet des préoccupations sociétales actuelles. Mais il n’est pas, à mon sens, un roman d’anticipation comme peut l’être l’excellent 1984 de George Orwell auquel il fait d’ailleurs allusion. C’est un essai politique et écologique actuel qui se place dans un cadre futuriste (trop peu développé), ceci rend l’intention de l’auteur plus opaque que transparente !

Soulignons également les nombreuses références au christianisme qui sont pesante pour l’athée que je suis… Cassandre et ses douze actionnaires assis autour de la table, la fin des temps, l’apocalypse, le choix, par un algorithme et selon certains critères (peu développés), des personnes méritant la vie éternelle parce qu’elles ont fait le bien… Cette notion de bien et de mal omniprésente m’a incommodée tout au long du roman.

Autre souci majeur de compréhension : l’épilogue…. Je fais appel à vous les lecteurs avertis qui avez lu ce livre… Parce que moi, je n’y ai rien compris. Qui est cette Cassandre Namara? Est-elle réellement la première auteure du roman? Dans ce cas, pourquoi le présenter comme un écrit sorti de la plume de Marc Dugain et pourquoi son nom ne figure-t-il pas en couverture? Si elle n’a pas existé réellement, que vient faire cette Cassandre ayant écrit en 2017-2018 dans une action menée par une héroïne (ayant le même prénom mais un autre nom de famille) en 2069? Pourquoi choisir le même prénom? Est-ce un choix délibéré permettant de faire référence au syndrome de Cassandre (expression venant de la mythologie et désignant les situations où l’on ignore des avertissements) légitime étant donné la trame de l’histoire…. Bref, j’ai besoin de vos lumières. N’hésitez pas à laisser en commentaire votre interprétation.

C’est flou (suis-je trop idiote pour comprendre?) et j’aime quand les écrits d’un auteur sont clairs. Bref, il me manque des clefs afin de comprendre cette histoire qui, tant sur la forme que sur le fond, ne m’a pas convaincue. Pourtant l’idée était prometteuse mais malgré tout le respect que je porte à l’intelligence de l’auteur, il ne m’aura pas captivée.

Auteur : Marc Dugain

Titre : Transparence

Editions : Gallimard

Sorti le 25 avril 2019

Nbre de pages : 224 pages

Prix : 19 €

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