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Coup de gueule: Un homme à la hauteur, le cinéma français aurait-il un problème de taille ?

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La voilà, la nouvelle comédie française qui va sans aucun doute beaucoup faire parler d’elle. Un homme à la hauteur, nouvelle création de Laurent Tirard. Deux ans après les (décevantes) Vacances du Petit Nicolas, il nous revient en force avec une comédie originale de par le sujet qu’il traite: une femme tombe amoureuse d’un homme beaucoup plus petit qu’elle. Un nain campé par… le grand Jean Dujardin rétréci numériquement. Ça fait gag cinq minutes, mais sur 1h38, ça agace. Symptomatique d’un cinéma victime du nanisme de ses ambitions et qui peine réellement à faire la part des choses et à réellement oser la différence. Voici notre gros coup de gueule.

Diane est une belle femme. Une très belle femme. Brillante avocate, elle a de l’humour et une forte personnalité. Et comme elle vient de mettre un terme à un mariage qui ne la rendait pas heureuse, la voilà enfin libre de rencontrer l’homme de sa vie. Le hasard n’existant pas, Diane reçoit le coup de fil d’un certain Alexandre, qui a retrouvé le portable qu’elle avait égaré. Très vite, quelque chose se passe lors de cette conversation téléphonique. Alexandre est courtois, drôle, visiblement cultivé… Diane est sous le charme. Un rendez-vous est rapidement fixé. Mais la rencontre ne se passe pas du tout comme prévu et pour cause, la jeune femme découvre qu’Alexandre ne mesure en fait qu’ 1m35.

Bref une bien belle comédie, audacieuse à souhait, qui débarque sur nos écrans ! Une histoire d’amour entre une femme et un homme de petite taille, avec un casting quatre étoiles qui voit Virgnie Efira donner la réplique à cet acteur caméléon qu’est Jean Dujardin. Mais attendez, quel acteur de petite taille est alors à l’affiche ? Jean Dujardin (qu’on aime par ailleurs bien, hein, il ne s’agit pas de faire un Dujardingate, le problème n’est pas là), bien sûr, du haut de son bon mètre quatre-vingt! Et oui, parce que le cinéma français entre dans une nouvelle ère, l’ère de l’innovation. Il y entre d’ailleurs en grande pompe avec ce film ; à coup de fonds verts très rarement utilisés en France, d’effets spéciaux à la chaîne et de trucages. Tout ça pour quoi? Pour raccourcir un acteur bien entendu ! N’aurait-il pas été plus facile mais surtout plus légitime et respectueux de caster un acteur de petite taille ? Car non, Messieurs les producteurs, réalisateurs et autres piliers du cinéma français, il n’y a pas que Mimie Mathy et Passe Partout. Il y a plus que certainement bien d’autres comédiens petits par la taille mais grands par le coeur et le talent, non? Et tant pis si, à l’affiche il n’y a pas ce duo tant attendu Efira-Dujardin, ce sera pour la prochaine.

Qu’aurait été Star Wars sans Warwick Davis ? Qu’aurait été Arnold et Willy sans Gary Coleman, ou encore Austin Power et Harry Potter sans Verne Troyer ? Tous ses acteurs qui ont dû lutter pour ne pas être « les nains de service » et pour vivre leur métier comme tout le monde. Enfin, citons sans doute l’exemple qui va marquer un bon nombre d’esprits; imaginez, qu’aurait été Game Of Thrones si Tyrion Lannister avait en fait été la réplique rétrécie d’un acteur de grande taille? Le monde n’aurait pas connu Peter Dinklage, cet acteur immensément grand par son charisme et son talent, que dis-je, son génie. Un génie que le monde entier acclame aujourd’hui. Un acteur qui, rappelons le, est fort d’une carrière assumée de plus de vingt-ans, échelonnée de rôle de personnes de petites tailles ou d’êtres surnaturels parfaitement exécuté ; une carrière marquée de plusieurs prix prestigieux, un Golden Globe entre autres. Et s’il a eu cette carrière c’est parce que des réalisateurs, des producteurs lui ont fait finalement confiance et surtout lui ont donné sa chance, une chance de briller à son tour, une chance de réaliser ses rêves.

Mais pour en revenir au sujet de notre déception, notre coup de gueule du jour, nous avons bien évidemment potassé quelque peu sur ce film, et qu’elle ne fut pas notre surprise d’apprendre qu’un homme d’1m40, Brice Simien Baron, présent tout au long du tournage, était la doublure de Jean Dujardin pour les SCÈNES DE DOS ! Mais pas d’inquiétude, il a pu apporter son expérience éclairée sur les situations d’ Un homme à la hauteur, peut-on lire sur le site d’Allociné. Et comme le dit si bien un internaute sur ce même site : « ce film renvoie un bien triste message aux personnes de petite taille ; on préfère utiliser le numérique pour raccourcir un acteur connu même dans les rares cas où l’on aurait besoin de vous ! » C’est bien triste n’est-ce pas ? D’autant que, certainement, beaucoup plus d’argent a été dépensé pour le cachet de Jean Dujardin et tous les effets numériques liés à sa posture de nain que s’il avait fallu engager un acteur plus petit. À l’heure où l’on veut dynamiter les clichés, rétablir l’égalité dans ce monde totalement déséquilibré, on se rend finalement bien vite compte que l’on ne cesse de régresser!

C’est dire, on pourrait sans nul doute s’attendre à trouver la mention « aucun nain n’a été maltraité durant le tournage de ce film » en fin de générique. Mais bien sûr cette annotation n’a pas lieu d’être puisque si maltraitance il y a eu, elle a résidé et réside d’ailleurs encore, de manière beaucoup plus insidieuse, dans l’ensemble du processus de création de ce film.

De plus, là où le film pouvait trancher avec son jumeau argentin, Corazón de León (car n’allez surtout pas croire que l’originalité du pitch a été pondue par l’industrie française, que nenni, il a une nouvelle fois du adapter un film étranger). Après le scandale de l’affiche polémique des Visiteurs ayant (volontairement) oublié de mentionner le talentueux Pascal N’Zonzi, le cinéma français prouve une nouvelle fois qu’il manque cruellement d’envergure et de volonté de mettre en avant des acteurs différents et méritant leur chance.

Pour une fois, le cinéma avait l’occasion de prouver à son public qu’il pouvait porter haut une valeur fondamentale de notre société ; le respect. Pour une fois, il pouvait se montrer remarquable en s’assumant et projetant au devant de la scène un acteur qui le mérite. Pour une fois, le cinéma pouvait offrir un rôle, un vrai, à une personne de petite taille, sans qu’il se ridiculise (car avouons-le franchement, lorsqu’un nain apparaît dans un film c’est généralement pour se faire ridiculiser, comme dans le film Projet X et son nain enfermé dans le four). Et pourtant, avec toutes les chances de son côté, le cinéma a échoué et le résultat qu’il nous livre au travers de ce film est honteux ! Une énième fois, notre bien aimé cinéma occidental nous renvoie son image parfaite, derrière un verni brillant, où des tailles 36 photoshopées côtoient des hommes d’1m80 en costumes Armani parfaitement ajustés. Car encore une fois, il prouve sa rivalité ancestrale avec une réalité qu’il ne parvient pas à assumer, et qu’il voudrait peut-être que la société n’assume pas… 

Vous avez dit « petitesse », oui je crois que cela résume bien l’esprit d’un certain cinéma français, celui-là qui pourtant entend déplacer les foules. Celui-là que j’ai parfois du mal à aimer. Pour voir un cinéma « à la hauteur », on repassera.

Certes, nous ne remettrons pas en doute le talent des acteurs de ce film, tant Dujardin qu’Effira qui ont tous deux derrière eux une bien admirable carrière. Et il est clair que nous ne remettrons pas en doute des films ayant été réalisé par le passé, et ayant vu François Cluzet devenir tétraplégique, Tom Hanks dans la peau d’un déficient mental, Jared Leto se transformer en transsexuel séropositif, Daniel Day-Lewis être atteint de paralysie spasmodique ou même Léonardo DiCaprio souffrant de troubles mentaux, car il y a un (énorme) pas entre une véritable performance d’acteur et un rétrécissement en post-production, n’est-ce pas ?

Un Homme à la Hauteur

de Laurent Tirard

Avec Jean Dujardin, Virginie Effira, Cédric Kahn, …

Sortie le 4 mai 2016

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