Dimanche au Sportpaleis Roger Waters a dit adieu à son public, précédent son show d’un laconique message donnant le ton de ce qui allait suivre : « s’il y a ici des gens qui aiment Pink Floyd mais ne cautionnent pas mes prises de position, qu’ils se cassent au bar ! »

Dimanche dernier Roger Waters se produisait au Sportpaleis dans le cadre de son This is Not a Drill Tour. Un concert qui affichait sold out, mais que beaucoup appréhendaient vu le nombre important de polémiques liées au comportement et aux prises de position sans concessions et parfois choquantes de celui qui s’auto-proclame très modestement l’âme de Pink Floyd.

Alors un petit conseil avant d’aller plus loin : si vous êtes fan inconditionnel de Roger Waters et que la moindre critique à son égard vous hérisse le poil et vous met dans tout vos états, ne lisez pas cet article, vous allez vous faire du mal !

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Soyons clair, j’ai toujours aimé la musique de Pink Floyd et j’en suis fan. Particulièrement du jeu de guitare unique de David Gilmour , de l’osmose artistique incroyable entre ses membres à une certaine époque, et de la folie créatrice de la période Syd Barrett. Des albums comme A Saucerful of secrets, Meddle, le Live à Pompéi, Animals, Dark Side of The Moon ou Wish You Were Here sont pour moi des opus incontournables et intemporels.

Que ce soit en musique, en rock, comme en art quel qu’il soit, j’aime ce qui ne s’explique pas, ce qui se ressent naturellement.

Alors quand Roger Waters nous propose en guise de show un pseudo meeting politique commenté sur écran géant à l’image de son ego surdimensionné de donneur de leçons et de sa bien-pensance de bourgeois bobo, ça me gave.

Soit il joue sa musique qui se suffit à elle même et nous ramène à une époque bénie où le pouvoir de la musique « seule « pouvait faire changer le monde », soit il s’engage en politique et défend ses idées devant des partisans qui les partagent et viennent l’écouter lors de vrais meetings politiques. Mais qu’il ne mélange pas les deux !

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Et puis nonje n’apprécie pas de me faire insulter avant le concert sur écran géant parce que je fais partie de ceux qui aiment Pink Floyd et ne partagent pas toutes les idées politiques de Mr Waters. Et non Roger je ne me casserai pas au bar comme tu me l’ordonnes !

Je te rappelle tout de même au passage que c’est grâce à ton public que tu vis, et ton public c’est TOUS les admirateurs du Floyd qui ont acheté tes disques par tonnes et payent cher pour se procurer tes tickets de concert. Ceux là méritent le respect absolu et non pas ton mépris s’ils ne pensent pas comme toi !

Donc je te le dis Roger, j’aimerai toujours Pink Floyd, et la musique du groupe bercera ma vie jusqu’à mon dernier souffle, mais je ne mettrai plus dorénavant un pied à un de tes concerts, même si tu affirmes que celle ci serait ta dernière tournée. J’irai plutôt applaudir Nick Mason, ou David Gilmour si l’occasion se présente, dont le moindre solo de guitare m’émeut plus que ton barnum certes magistral, mais mégalo et au service de ton ego colossal.

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Ta musique je l’écouterai dorénavant en boucle bien sagement chez moi. Après tout c’est un peu ce que tu voulais en m’envoyant au bar, non?

Que tu aies des idées politiques et que tu veuilles les défendre et les exprimer c’est tout à fait ton droit, mais que tu nous les imposes et nous les matraques à chaque image de ton show, surlignant tes idées par des slogans explicites comme si nous n’étions pas capables de nous faire notre propre opinion, c’est très lourd, et limite insultant.

Et ce n’est pas pour ça qu’on est là !

Rassure toi j’aimerai toujours en toi l’artiste de talent, l’homme qui a composé The Wall, mais garde toi de faire du prosélytisme. Le rock c’est la liberté de penser et d’agir, la contestation et le libre arbitre. Chacun pense ce qu’il veut de ce qu’il veut, et on n’a pas besoin de toi pour nous aider à penser.

Aujourd’hui ton show respire le mal être d’un homme qui au crépuscule de sa vie voit le monde couleur rouge sang, conteste tout, et se sent obligé de jouer au maître d’école.

« We don’t need no education!  «

Cette phrase est un cri contre le contrôle de la pensée par le système éducatif.
Tu te rappelles de ce professeur que tu as tant vilipendé dans The Wall ? Aujourd’hui tu as pris sa place.
C’est un comble, non ? 

De tes trois derniers spectacles celui ci est sans doute à mon sens le moins émotionnel, le plus calculé, le plus caricatural. À un point tel que si tu pouvais nous commenter chaque note sur ton écran géant tu le ferais sans doute. Sache que The Wall est un chef d’œuvre qui parle par lui même à nos cœurs et à nos esprits sans que tu aies besoin de nous le commenter.

Au final le souvenir que je garderai de toi, c’est celui de l’artiste, déjà engagé, qui à sa grande époque donnait de l’importance à ce qui est l’essentiel, sa musique. Ton show politisé et millimétré dans sa rigueur – même la présentation impersonnelle de tes musiciens est listée sur l’écran – de ce soir démontre qu’aujourd’hui tu soignes hélas plus la forme que le fond.

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Tu as déclaré :  » C’est moi qui ai écrit The Dark Side of the Moon ! Bien sûr, nous étions un groupe, nous étions quatre, mais c’est mon projet et c’est moi qui l’ai écrit … » 

Retombe un peu Roger, tu as écris les paroles certes, mais les compos et les arrangements sont l’oeuvre du groupe. Ah cet ego démesuré qui ne te quitte pas, c’est vraiment terrible ! 

Et puis rappelle toi qu’en matière d’art il arrive toujours un temps où l’œuvre supplante le créateur, et lui survit.

Dans le futur c’est l’œuvre de Pink Floyd et sa musique que l’histoire retiendra, pas les états d’âmes et les opinions de Mr Waters.

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Ce soir au Sportpaleis d’Anvers nous avons entendu des beaux titres, des titres immenses, des chef d’œuvres même, interprétés magistralement par des musiciens irréprochables et hyper talentueux ( mention spéciale à  Dave Kilminster et Seamus Blake), mais au delà de ça ce que j’ai vu c’est une œuvre servir l’ego d’un homme et non un homme servir son œuvre.

Et c’est la raison pour laquelle tu m’as perdu, et que je rentre déçu. Non pas par ta musique, qui dans l’ensemble reste géniale, mais par la manière dont tu nous la sers aujourd’hui.

Je m’en vais donc réécouter sur ma platine les albums de Pink Floyd, la batterie magique de Nick Mason, les claviers de Richard Wright et la guitare céleste du grand David Gilmour que tu as honteusement éludé dans tes images d’archives lors de la première partie de ton show, alors qu’il fait partie des plus grands guitaristes de l’histoire du rock. La preuve s’il en est que tu penses sans doute que Pink Floyd c’est toi.

Et bien non Roger, Pink Floyd c’est l’alchimie parfaite entre QUATRE musiciens de génie qui se sont rencontrés (cinq si l’on compte Syd), ont créé des moments de grâce, et ont fait naître ensemble une certaine forme de magie. Point barre.

(c) Jean-Pierre Vanderlinden

Là dessus je te souhaite bonne route pour cette dernière tournée, qui ne me laissera pas un souvenir impérissable malgré un son salle irréprochable et cette grande scène centrale impressionnante en forme de croix avec ses énormes écrans. 

Tu sais, c’est quand on aime très fort que la critique peut être la plus virulente lorsque la déception nous gagne.

Et puis un conseil d’ami : chez toi supprime quelques miroirs et redescends un peu de ton piédestal, je crois que ça te fera le plus grand bien.

Jean-Pierre Vanderlinden

Pour la setlist du concert, c’est par ici : https://www.setlist.fm/setlist/roger-waters/2023/sportpaleis-merksem-belgium-3bb9f830.html

Line up Roger Waters 2023 : Jonathan Wilson (guitare et chant ), Dave Kilminster (guitare et chant), Jon Carin (claviers, guitare et chant), Gus Seyffert (basse et chant), Robert Walter (claviers), Joey Waronker (batterie), Shanay Johnson (chant), Amanda Belair (chant) en Seamus Blake (saxophone)

6 commentaires

  1. Je suis entièrement d’accord avec toi !
    Payer 84 euros la place pour nous donner des leçons de politique ça va pas!
    Au niveau musical,et je m’y entends en tant que guitariste et chanteur, j’ai été très déçu de wish you were here.
    Il y a quelques années j’ai vu David gilmour à tirlemont, c’est le plus beau concert de ma vie !
    Ici les grands écrans n’ont pas remplis leur rôle, à part un matraquage visuel digne des grands dictateurs que peuplent notre monde !
    Dommage de finir sa vie de scène ainsi.
    Je n’irai jamais plus le voir s’il revenait un jour…….

  2. JP j’ai vu passer plusieurs fois ton article dans le fil de FB, crois moi, je n’avais pas envie de le lire !
    Car pour moi RW n’est rien sans ses acolytes je n’aime pas le personnage qu’il est devenu. Ce concert, contrairement à celui de Nick Mason, je n’avais pas envie d’y aller, et de te lire me réconforte. Fan de Pink Floyd je resterai à jamais et continuerai à écouter Nick et David dans leurs projet séparés.
    Merci 🙏 JP

  3. A mon avis, vous ne l’aviez jamais vu. Parce que tout ce que vous critiquez dans ce show, ça fait 40 ans que Roger le fait 😅

    1. Il y a quand même eu une fameuse évolution depuis les 70’s.
      Roger a toujours été porteur de messages, mais ils n’étaient pas politisés dans les 70’s, plutôt humanistes.

      J’ai vu toutes ses tournées depuis 2002, et Roger est devenu un vieux grincheux aigri, qui ne pense plus que de manière binaire. Lors de la tournée Us+Them de 2018, même s’il y avait des messages clairs vis-à-vis de Trump par exemple, ça restait un grand spectacle où la musique avait sa place (One Of These Days…).

      Mais cette tournée-ci, il n’y a pas une seconde où on n’a pas de texte moralisateur qui passe sur l’écran. Ca détourne de la musique (par exemple la petite anecdote où Roger fait un bad trip dans les studios d’Abbey Road et se met au piano pour se calmer, typographiée sur les écrans alors que les musiciens jouent la superbe introduction instrumentale de Shine On Part 6, on s’en fout un peu, Roger laisse-nous apprécier ce grand moment de montée en tension, sans nous bombarder en même temps de messages parfaitement inutiles sur ton écran).

      Je rejoins JP sur beaucoup de points, et je connais l’histoire du Floyd et de Roger. Donc l’argument « vous n’y connaissez rien, Roger a toujours été comme ça » ne tient pas.

    2. Comment peut-on dire cela ? Je l’ai vu en 2002, il n’y avait que peu de messages politiques, pas d’agression verbale vis-à-vis de gens qui n’auraient pas exactement ses opinions. Et je me rappelle chaque détail.

  4. Après lecture complète de l’article … ne peut-on pas constater que son rédacteur est tout aussi « ego » sur un plan purement journalistique … et que l’invitation « d’aller au bar » lui aurait évité autant de mauvais moments durant le spectacle …

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