Monde de la nuit, certainement pas de l’ennui #3 : Strip-tease, avoir à corps de changer le regard des autres et à coeur d’être bien dans le string de sa vie

Au hasard des pérégrinations livresques et surtout bédéphiles, il arrive souvent que certains albums se prolongent, de par leur thème, leurs enjeux, la façon dont ils se projettent dans le réel ou dans la fiction. Dans ce nouveau topic, nous allons pénétrer (au propre, au figuré et même au fantasmé, vous verrez) un monde de la nuit pas si facilement appréhendable quand on vit au soleil. Certains n’en ont plus forcément l’habitude et ils font partie des riches rencontres que sèment les auteurs que nous allons suivre en bords de planches pour, ensuite, mieux nous fondre dans une foule (pas toujours sympathique) et dans un monde étrange, fascinant et parfois effrayant. Oubliez les idées reçues et les craintes, on repart d’une page blanche que nos auteurs vont très vite animer.

À lire aussi | #1 : De l’autre côté du bar, entre boire et déboires, Pauline voudrait bien vous y voir

À lire aussi | #2 : Nicolin ne calme pas les hardeurs et décrypte un monde sous X que les moins de… 18 ans ne peuvent (ou sont censés) ne pas connaître

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

À peu de chose près, c’est un peu comme Les Noctambules (dont je vous ai parlé un peu plus tôt dans ce topic) que commence Strip-Tease, la fiction autobiographique que nous relate Emma Subiaco qui a décidément plusieurs ficelles à son arc. Pourtant, si on avait dit à Camille, il y a quelques années, qu’elle ferait spectacle de son corps pour finir dans le plus simple appareil devant une audience qui n’a d’yeux que pour elle, sans doute aurait-elle pris ses jambes à son coup.

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

Résumé de l’éditeur : Camille, une jeune architecte, rentre chez elle à l’improviste et surprend son copain au lit avec une jolie blonde. Blessée, elle vire immédiatement l’indélicat de chez elle et décide de faire le bilan de sa vie. Une remise en question qui la conduit à se lancer un étrange défi : celui de devenir danseuse dans une boîte de strip-tease. Un monde dont Camille ignore tout et qu’elle découvre progressivement avec l’aide de ses nouvelles collègues toutes plus déjantées les unes que les autres. Avec beaucoup d’humour et de justesse, Emma Subiaco décrit un monde interlope dans lequel les « mecs » n’ont pas vraiment le beau rôle…

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

La vie est facétieuse et a la subtilité de vous emmener là où ne vous l’attendez pas. C’est donc ce qui est arrivé à Camille, cocufiée par un copain qu’il ne suffira pas de mettre à la porte pour refermer les fêlures. Celles d’un « cageot à rayures » (c’était comme ça que son copain parlait d’elle à sa maîtresse), un sac à patates qui ne réussissaient pas trop mal à tirer son épingle du jeu et à se débattre dans un océan d’apparences. Mais ce jour-là, et ceux qui suivirent, elle n’a pas pu résister à l’appel du miroir, à son incursion pernicieuse dans l’image qu’elle avait de son corps et notre héroïne s’est sentie sale, laide, vieille. Dans un monde, notamment masculin, qui n’hésite pas à vous le faire ressentir toujours plus, s’engouffrant dans la brèche que vous lui laissez entrevoir.

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

La chute peut être fatale. Camille quitte son mec, claque la porte de son cabinet d’architecte, déterre des tenues qu’elle pensait avoir rangées à jamais, essaie d’être plus féminine et se laisse la nuit d’encre et désespérante à d’autres pour entrer dans la lumière tamisée des bars à strip-tease. Un songe lui a bien laissé entendre que « les petites chattes domestiques ne deviennent pas des panthères », rien n’y fait, Camille a pris sa décision, aussi radicale que salvatrice, aussi lourde de sens qu’insensée pour certains qui l’entourent. Mais être strip-teaseuse, ce n’est pas être une fille facile, que du contraire, il faut être proche mais sans toucher, rester sur ses gardes et forger son caractère. Et dans ses clubs où fourmille un petit monde pas toujours fréquentable même s’il paye.

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

Avec son trait évoquant quelques grands comme Sfar, Blain mais aussi, de loin, le De Pins de ses premiers films d’animation, c’est un ouvrage assez pertinent et séduisant qu’Emma Subiaco nous livre, nous invitant à nous asseoir tant face à la scène que dans ses coulisses. C’est du 360°, prenant la température dans tous les coins, sachant s’entourer pour créer un puzzle de ressentis et d’expériences. Bonnes et moins bonnes, d’un côté du rideau comme de l’autre. Car le monde du strip-tease, c’est une entreprise dans laquelle il faut que ses actrices soient les plus performantes possible. Quitte à ce qu’on leur mette la pression. Puis, chez les spectateurs (qui voudraient parfois bien quitter leur rôle pour le prendre plus à coeur et à corps), il y a aussi l’envie, cette conviction que tout peut s’acheter et des comportements ignobles, misogynes. Emma Subiaco les remet à leur place, laissant l’idée de femme-objet à ceux qui sont faibles d’esprit pour s’accomplir en tant que femme libre, au quotidien. Au-delà des leçons gracieuses et généreuses qui font leur chemin dans nos têtes encore après avoir refermé le livre (c’est bon signe), Emma emmène son alter-ego dans quelques épisodes allumés et complètement réjouissants, où il est vrai la beauté du trait est peut-être parfois sacrifiée à son imparable énergie. C’est assez jouissif, en fait, mais pas là où certains (ceux qui se frottaient les mains et le reste ne fût-ce qu’à la vue de la couverture) auraient pu le penser. Doublement bien joué.

© Emma Subiaco aux Éditions du Long Bec

Titre : Strip-tease

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Emma Subiaco

Genre : Chronique sociale, documentaire, fiction autobiographique

Éditeur : Éditions du Long Bec

Nbre de pages : 144

Prix : 20€

Date de sortie : le 02/05/2018

Extraits : 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.