Il n’est jamais trop tard pour croire aux contes de fées et Fables nous a définitivement fait replonger

Spécialiste de la collision d’univers plus ou moins assemblables, Bill Willingham (dont on vous parlait des Legenderry, pas plus tard qu’il y a quelques chroniques) frappait un coup énorme dans le monde des crossovers, en 2003, en posant les bases d’une colossale série : Fables. Ou comment, les habitants des fables, contes et autres légendes connus partout dans le monde se retrouvaient, moins naïfs dans notre monde d’humains. La série connaîtrait 13 années d’aventures, 150 épisodes et quelques séries dérivées. Bref, un monument dans l’univers comics des années 2000 et 2010 dont Urban Comics propose la (re)découverte au format intégral. Allez, petit chaperon rouge, il y a du chemin à faire!

© Willingham/Medina/Leialoha/Hamilton/Van Valkenburgh chez Urban Comics

Résumé de l’éditeur : Chassés de leurs royaumes par l’Adversaire, les Fables trouvent refuge dans notre monde et établissent leur communauté au coeur même de New York. Cependant, aux antipodes du conte de fées, Rose Rouge, la soeur de Blanche Neige, aurait été assassinée, et c’est à Bigby, shérif de Fableville et Grand Méchant Loup repenti, de résoudre l’affaire. Deux suspects se détachent : Barbe Bleue, ex-amant de la jeune victime et serial killer compulsif, et Jack, bon à rien débonnaire, tout juste descendu de son haricot magique.

© Willingham/Medina/Leialoha/Hamilton/Van Valkenburgh chez Urban Comics

Le monde des Fables se divise en deux catégories, depuis qu’elles ont été chassés de leurs pays imaginaires, ceux qui ont une forme humaine et ceux qui sont plus freaks que n’importe quel freaks dans le monde des communs (autrement dit, les humains). Les premiers vivent en ville, dans un quartier de New York semblable à tant d’autres. Les seconds vivent, on vous le donne en mille, dans la ferme des animaux… avec les nains et les géants, les dragons et autres gobelins. Pour planter le décor, Willingham et consorts vont donc s’aventurer dans les deux parties de cet univers, passant au flou, du moins pour le moment, les événements qui ont causé cette situation et le sinistre Adversaire assoiffé de pouvoir et de terres. Une situation qui n’est pas franchement déplaisante pour certains qui peuvent désormais vivre grand train dans la Big Apple.

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Dc Comics

Comme Blanche Neige qui a mordu dedans à pleine dent et est la numéro 2 de Fableville et adjointe au maire, M. Cole. C’est leur petit monde bien rangé que la première histoire, Légendes en exil, exploite dans une vrai enquête policière menée par… le grand méchant loup qui a retrouvé forme humaine même s’il peut rechuter à tout moment. Cela dit, pour sûr, ce n’est pas lui qui a commis le carnage dans ce qu’il reste de l’appartement de Rose Rouge, la soeur oubliée – et c’est là le premier drame – de Blanche-Neige, qui semble s’être vidée de son sang et dont l’épitaphe pourrait bien être celui, ensanglanté, qui orne le mur : « et ils ne vécurent plus jamais heureux ». Tout conte de fée, tout compte fait et défait, il y a du monde sur la liste des potentiels meurtriers : de Jack (descendu de son haricot et qui ne chasse plus les géants pour chasser les fausses bonnes occasions de se faire de l’argent), le petit ami ou ex de la victime, au sinistre et néanmoins fine lame Barbe Bleue en passant par le Prince Charmant qui revient en ville pour vendre son titre et qui est aussi l’ex de Rose-Rouge (et de tout qui porte des jupons à Fableville); etc.

© Willingham/Medina/Leialoha/Hamilton/Van Valkenburgh chez Urban Comics

Vous l’aurez compris, cette première pentalogie, c’est l’occasion d’approcher ce monde perdu et retrouvé et ses protagonistes qu’on pensait pourtant connaître mais qui, sortis de nos souvenirs d’enfance, s’affirment, dans leurs qualités mais surtout leurs défauts et aspérités, affranchis de leur naïveté pour entrer de plain pied dans notre monde de brutes, dans lequel mieux vaut ne pas être un agneau. Rose-Rouge l’était-elle ?

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics

Rondement bien mené, ce récit de polar est le meilleur moyen d’entrer dans cette histoire qui se fera touffue et multi-directionnelle. Car qui dit enquête, dit suspects sur lesquels notre détective de luxe va devoir tout savoir et faire remonter le passé. Vous nous suivez ? Il y a donc une vie après Grimm, Andersen et compagnie, et Bill Willingham, armé des traits de Lan Medina (encré par Steve Leialoha et Craig Hamilton et colorisé par Sherilyn van Valkenburgh), fait le pont de la meilleure des façons, provoquant l’attachement à certains personnages et le dégoût de quelques autres. Entre faux-semblants, viles intentions et coups de poker. La récréation se fait re-création et si l’utilisation de cette matière première extraordinaire que forment les contes et les fables peut sembler facile et pourrait vite se retourner sur elle-même, Willingham en fait une toile d’araignée passionnante mêlant les genres et mixant les thèmes.

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics

Comme le prouve le deuxième récit présent dans cette intégrale. Si l’histoire d’introduction pouvait déstabiliser de par son cadre urbain pour des héros plus souvent associé à un décor boisé; la suite va vous contenter puisqu’elle nous emmène du côté des « rebus » malgré eux de cette société qui sous ses allures magiques n’a rien de parfait. Nous voilà à quitter la ville et à couper à travers champs pour nous retrouver du côté de la ferme aux animaux qu’occupent Dun, Posey et Colin (même s’il aime fuguer vers la ville), les trois petits cochons, mais aussi Bagheera et Shere-Khan; Renart ou encore les trois ours et… Boucle d’or. La seule à pouvoir se confondre dans la foule des communs et prétendre à une existence à Fableville. Mais non, elle a voulu rester dans cette ferme un peu ségrégationniste (malgré les beaux discours des autorités de Fableville et tous les fonds qui sont versés à la vie paisible de cette communauté hors de la communauté) et fait partie des figures de proue d’une révolution armée au centre de laquelle Blanche Neige va être mêlée et visée.

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics
© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics

Un petit tour et puis s’en va, dans ce thriller guerrier et forestier, c’est Mark Buckingham qui prend ses quartiers (toujours avec Steve Leialoha à l’encrage et avec Daniel Vozzo aux couleurs) et livre une course-poursuite haletante, tendue et fratricide. L’univers de Fables s’affirme et, en tant que lecteurs, on se retrouve comme des gosses à tourner les pages pour découvrir les surprises réservées par les auteurs. Ce qui est bien, c’est que dans ce monde partagé, rien n’est jamais trop gros et ça marche du tonnerre. D’autant plus que, malgré tous les personnages qu’il nous fait rencontrer, Willingham reste fluide, sans négliger les images fortes et chocs; martyrisant les personnages fondamentaux.

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics

Enfin, le troisième long récit de cette intégrale est un peu plus court, quatre épisodes, qui font office de retour du berger à la bergère, l’heure de la revanche après les sombres événements de la ferme aux animaux. Le grand méchant loup et Blanche Neige tombent sous le « charme » d’un maléfice qui les met à la merci de leur ennemi et les emmène, sans méfiance, dans un trip dans les forêts de l’ouest. Chasse à l’homme, survival, Romance se fait fun et badass, dépaysant et fracassant. Mais pas gratuit, car Willingham y distille une donnée qui change tout : un héros de fable, s’il est quasi-immortel, peut néanmoins mourir. Seulement, voilà, il est d’autant plus invulnérable qu’il est aimé par le public. Nul n’est égal devant la mort et alors que l’Adversaire s’apprête à revenir en force terroriser les Fables (ce sera pour la deuxième intégrale, à paraître d’ici… demain).

© Willingham/Buckingham/Leialoha/Vozzo chez Urban Comics

Ce premier volume ne nous quitte pas en si bonne route et nous propose encore deux plus courtes histoires. Sac d’os qui revient sur les aventures sécessionnaires de cet escroc de Jack qui, suite à un pacte avec le démon déjoué, va obtenir un sac qui permet de tout y faire entrer sans qu’il ne soit jamais plein. Même la Mort. Clic clac, entre dans mon sac. La deuxième met, pour la première fois, frontalement, le monde des Fables en confrontation avec le monde des communs. En l’occurrence, un journaliste qui pense avoir découvert le pot au rose et prend les Fables pour des… vampires. S’il a faux dans sa conclusion, son article risque bien de provoquer l’insécurité dans ce monde jusque-là préservé de la curiosité et du regard des communs. Un plan de casse est mis sur pied par une dream-team de professionnel et avec Églantine, la belle au bois dormant !

© Willingham/Talbot/Vozzo chez DC Comics

En tout, cela donne plus de 400 pages (commentaires, recherches graphiques et, clou du spectacle, les prodigieuses couvertures de James Jean) mettant en action un casting extra-large et des intrigues riches et variées. Il n’est jamais trop tard pour croire aux contes de fées. On y croyait, on en était revenu, on a définitivement replongé.

Et en bonus, une chanson de Saint André qui va bien ! 

Série : Fables

Intégrale

Volume: 1

Scénario : Bill Willingham

Dessin : Lan Medina, Mark Buckingham, Bryan Talbot

Encrage : Steve Leialoha​, Craig Hamilton

Couleurs : Sherilyn van Valkenburgh, Daniel Vozzo

Couvertures : James Jean

Genre: Animalier, Conte, Thriller, Polar, Survival, Fantastique

Éditeur VO : Vertigo (DC Comics)

Éditeur VF : Urban Comics

Collection : Vertigo Essentiels

Nbre de pages: 432

Prix: 28€

Date de sortie: le 19/01/2018

Extraits : 

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