Madame Gréoli, « c’est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et sa langue » disait Mitterrand, c’est valable aussi en Belgique

Quand on a demandé à Winston Churchill de couper dans le budget des arts pour l’effort de guerre, il a répondu : « Alors pourquoi nous battons-nous ? « 

Au vu de ce qui se passe aujourd’hui en Belgique concernant les contrats-programmes 2018-2022 en arts de la scène (théâtre, danse, musique, cirque, etc…) on se demande quels sont les critères sur lesquels s’appuie la Ministre, Madame Alda Greoli en matière de subventions.

Le Théâtre Royal du Parc dirigé par Thierry Debroux aura droit à une augmentation minime d’un peu plus de 37.000 euros alors que le Théâtre National par exemple obtient presque un demi-million d’augmentation. Aujourd’hui, au Parc, ils en sont à fonctionner avec une subvention presque équivalente à celle de 2002 !  Le Théâtre du Parc est pourtant l’un des plus grands employeurs artistiques de Bruxelles avec presque 80 comédiens engagés sur une saison pour un contrat de 2 mois et demi, sans parler de tous les autres créateurs, et il attire plus de 80.000 spectateurs par an. Et je ne parle pas de la qualité des spectacles qui y sont proposés qui sont parmi les plus beaux et inventifs de Belgique. Branchés Culture en fait souvent chroniques.

Alors, bien sûr, on peut se dire qu’on ne peut pas faire que des satisfaits en attribuant des subventions, mais le « deux poids deux mesures » est insupportable ! On se demande vraiment si le but n’est pas d’anéantir une certaine culture alternative ou populaire. Pourtant avec un montant total de ces contrats-programmes qui s’élève à 93 millions d’euros par an il y a moyen de répartir correctement les subventions. Non ? Même si ce montant représente une goutte d’eau dans le budget total d’une nation. Bien sûr, la ministre a ravi de nouveaux élus parmi les opérateurs plus modestes du secteur en leur attribuant un subside avant ça inexistant, mais elle a aussi écarté d’un revers de main des institutions établies comme le Magic Land Théâtre.


À lire aussi, la carte blanche de Douglas| Madame Greoli, voici quelques raisons pour lesquelles il faut sauver le Magic Land Théâtre!

Pour le Magic Land Théâtre de Patrick Chaboud la décision est tombée ce 23 novembre 2017, froide et brutale : il ne sera plus subventionné! Et ça me donne envie d’hurler à l’injustice, car ceci porterait un coup fatal à cette compagnie hyper créative qui nous fait rire depuis plus de 40 ans s’il n’y a pas vite révision de la décision. Bien sûr suite à cette décision d’augmentation minime pour Le Parc ou de suppression pour le Magic Land, les deux théâtres précités ont réagi et écrit à la ministre, et j’espère de tout coeur que le bon sens l’emportera au final sur des décisions prises sur base de critères techniques, et fortement influencées par le Conseil de l’Art Dramatique pas toujours très réaliste. Peut-on correctement attribuer des subsides et trancher uniquement sur base de critères techniques et bureaucrates ? La ministre a-t-elle au moins une fois été assister à un spectacle dans un de ses deux théâtres ? Vu le surcroît de travail inhérent à ses sept fonctions et mandats cumulés, j’en doute fort. À méditer…

Et je ne parle pas des autres multiples théâtres et artistes talentueux pour qui le quotidien sans subsides est devenu un combat de tous les jours pour la survie.

Alors je m’interroge, quelle est cette société basée sur le profit à outrance, dont les politiciens cumulards de mandats se gavent et se remplissent les poches et sont constamment à la recherche d’un électorat politique à tout prix ? Quelle est cette société qui finance des guerres à l’autre bout du globe aux prix de milliards investis sur le sang invoquant des motifs souvent peu glorieux et qui ne consent au final qu’une aumône à sa culture ? Cette société est une société malade, très malade…

François Mitterand ne disait-il pas : « C’est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et sa langue.”  Je vous laisse seul juge…

Texte : Jean-Pierre Vanderlinden aka Jprockbruxelles

Voici la lettre que Thierry Debroux directeur du Théâtre Royal du Parc à la ministre Alda Greoli :

« Madame la Ministre,
Je viens de découvrir vos décisions en matière de contrats-programmes et je voulais vous exprimer ma tristesse et mon incompréhension.
Le Théâtre Royal du Parc est la seule des grandes structures qui reçoit aussi peu (37.811 € d’augmentation).
Savez-vous, Madame la Ministre, que nous n’étions plus vraiment augmentés ni indexés depuis 2002 et que nous sommes le seul théâtre dans ce cas-là ? Certes Madame la Ministre Milquet nous avait placés dans le groupe des « bons élèves » il y a peu en nous accordant une augmentation symbolique de 5% (dont il a fallu immédiatement déduire 1%), mais il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui encore nous travaillons avec une subvention à peu près équivalente à celle de 2002.
Pourtant nous sommes redevenus l’un des plus grands employeurs artistiques de Bruxelles avec presque 80 comédiens engagés sur une saison pour un contrat de 2 mois ½, sans parler de tous les autres créateurs.
Savez-vous, Madame la Ministre, que notre personnel administratif est réduit au strict minimum, à un point tel que c’est la directrice adjointe qui répond au téléphone au lieu d’un(e) secrétaire ?
Nous avons toujours eu la politique de consacrer la plus grande part possible de la subvention à l’artistique. Et l’augmentation que nous demandions aurait servi à l’emploi artistique et uniquement à l’emploi artistique.
Est-ce une erreur ?
Est-ce une erreur d’avoir une gestion de « bon père de famille » et de remettre un bilan positif à la fin de chaque exercice ?
Est-ce une erreur d’avoir doublé le nombre de nos spectateurs (presque 80.000 la saison dernière) ?

Est-ce une erreur d’avoir ouvert toutes grandes les portes de notre théâtre aux artistes de ce pays, en permettant à une diversité de pratiques et d’esthétiques de s’exprimer sur nos planches ?
Est-ce une erreur de permettre à trois générations différentes de venir voir le même spectacle et de partager un moment « citoyen » ensemble ?
Qu’avons-nous fait pour être traités avec si peu de considération ?
Pourquoi avez-vous refusé de nous rencontrer il y a quelques mois pour vous exposer la situation de notre théâtre ?
Je me réjouis sincèrement pour certains de mes collègues qui ont été fortement augmentés et je suis heureux que certaines structures reçoivent enfin de quoi accomplir pleinement leurs missions.
Je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde et qu’il y a forcément des déçus quand un(e) ministre distribue des subventions.
Je suis personnellement blessé du peu de cas que vous faites du Théâtre Royal du Parc et de ses 80. 000 spectateurs.

Je trouve légitime de vous demander, au nom de notre équipe, de nos spectateurs et de tous les artistes qui travaillent en nos murs, les raisons qui vous ont amenée à ne pas suivre l’avis favorable du CAD en ce qui nous concerne.

Vous et moi, nous exerçons un métier public avec de l’argent public, je rendrai donc cette lettre publique, sur les réseaux sociaux, à la presse et à nos nombreux spectateurs.
En espérant une réponse de votre part,

Thierry DEBROUX,
Directeur. »

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