Dans un monde obstiné par le buzz, Benacquista et Barral jouent le jeu des records pour polar…iser l’essentiel

Jamais deux sans trois, et voilà que Tonino Benacquista et Nicolas Barral remettent ça en explorant le monde des records. Et dieu sait qu’il y a à dire sur ce monde dont la portée a été amplifiée par l’arrivée du web et de la soif du buzz en tout genre. On pouvait donc s’attendre à tout de la part des deux auteurs reconnus, entre autres, pour leur facilité à jouer d’humour et de parodie, mais certainement pas à cet éclair de lucidité qu’ils nous offrent là.

Résumé de l’éditeur : Paul Baron est un des vérificateurs du Guide Mondial des Records, il passe son temps à peser des courges, à assister à des concours aussi divers qu’étranges, à contrôler tout ce que les hommes peuvent inventer pour tenter de se distinguer de la masse. Activité plutôt inoffensive, sauf lorsque l’un des candidats tente de battre un record d’assassinats.

Des records, en veux-tu en voilà et à n’en plus pouvoir, mais pourquoi ? Pour tirer son épingle du jeu de celui qui fera le pari le plus insensé ? Pour crier sur tous les toits que vous êtes le premier à avoir trouvé l’aiguille dans une botte de foin. Je suis d’ailleurs sûr qu’à l’heure où j’écris ces lignes (où à celle à laquelle vous me lirez), il y aura bien, quelque part dans le monde, quelqu’un qui voudra inscrire son nom et sa vie (même s’il en va peut-être de sa mort) dans le Guiness Book). Alors, vous vous doutez que j’étais impatient de vivre l’incursion que Tonino Benacquista et Nicolas Barral dans ce monde foisonnant d’exploits pas forcément héroïques.

C’est en plein dans le quotidien d’un des vérificateurs du Guide Mondial des Records que commence donc cette aventure. Rien d’enviable, tant le destin de Paul Baron, bombardé de demandes d’homologations de records quasi banals, est comparable à celui, absurde, de l’Allumeur (et extincteur) de réverbères du Petit Prince. Tout est toujours à recommencer et Paul ne peut pas dire qu’on lui a confié la tâche la plus haletante. C’est vrai, s’il devait détenir un record du monde, ce serait sans doute celui de la… patience.

Sauf que dans cette course à être le meilleur dans les domaines les plus incongrus, un homme va vite se détacher du peloton, noirs desseins en tête. Un déçu du guide mondial qui veut marquer le coup et devenir le plus mémorable et meurtrier serial killer. Et qu’il veut que Paul en soit le témoin. Tonino et Nicolas mettent alors le braquet sur le polar et la chasse-à-l’homme, sauf qu’ils se gardent bien de mettre plein pot sur la course-poursuite haletante.

Autoportrait de Nicolas Barral pour un défi Facebook. On peut le voir plancher sur le Guide mondial des records © Barral

Non, résolument, Le guide mondial des records ne verse pas dans le polar à toute épreuve et se coupe même l’herbe sous le pied, se saborde. Totalement consciemment car les deux comparses creusent un peu plus pour faire état d’une réflexion plus profonde sur la vie et la volonté d’être le meilleur, d’être inoubliable, de laisser une trace. Dans un tout autre style mais quand même, je n’ai pu m’empêcher de penser à ma lecture récente du Starve de Bryan Wood et Danijel Zezelj qui faisait vaciller le monde de la téléréalité culinaire en jouant son jeu. Ici, c’est pareil, moins âpre, plus guilleret, mais toujours avec cette volonté de chercher l’essentiel plus que l’exceptionnel. Inattendu, louable et tellement réconfortant.

Titre : Le guide mondial des records