Lupano et Itoïz sur Le loup en slip: « Mettre Donald Trump en slip, ce serait rassurant »

Il hante les livres pour enfants depuis la nuit des temps, il promène sa méchanceté et fait peur à tout le monde (les enfants mais les grands aussi, regardez le loup du Gévaudan ou The Grey avec Liam Neeson). Ce n’est pas pour rien qu’on a peur qu’il revienne un jour dans nos campagnes. Le loup! Mais, attendez, et si on lui avait fait un procès d’intention, et s’il n’était pas si méchant que l’on dit? Finalement, pourquoi ne serait-il pas la peur vers laquelle on braque les projecteurs et la peur pour mieux cacher les vrais monstres? Du coup, il n’en fallait pas plus à Wilfrid Lupano et Mayana Itoïz pour racheter une réputation au pauvre loup et lui donner un beau slip. Nous avons rencontré les deux auteurs de ce très chouette livre pour enfant… mais pas que.

(c) Lupano - Itoïz chez Dargaud
(c) Lupano – Itoïz chez Dargaud

Bonjour à tous les deux. Pourquoi avoir choisi la figure du loup pour votre histoire?

Mayana: Le loup, c’est un personnage dont notre fils avait peur. Du coup, pour vaincre cette peur, nous l’avons mis en scène, en illustrations, en peinture. Et comment le ridiculiser et lui enlever totalement son caractère effrayant? En le mettant en slip! Et comme, dans Les Vieux Fourneaux, Wilfrid m’a fait le bonheur d’un clin d’œil avec le théâtre et la marionnettiste. Du coup, pourquoi ne pas s’en servir?

C’est véritablement en spin-off des Vieux Fourneaux que ce Loup en slip est positionné. Avec, en fin d’ouvrage, un autre clin d’oeil, deux planches inédites de Cauuet qui vient conclure l’histoire pour les grands qui n’en auraient pas eu assez.

Wilfrid: Cette histoire se conclut sur le petit théâtre et les marionnettes présentes dans les Vieux Fourneaux. Paul vient assurer la filiation. Avec une ambiance à la Muppet Show et les vieux qui se moquent à la fin. C’est la cerise sur le gâteau. Ce livre devait impliquer Paul d’une manière ou d’une autre. J’avais envie qu’il soit de la partie, ce qui est normal.

(c) Lupano - Itoïz chez Dargaud
(c) Lupano – Itoïz chez Dargaud

Ici, vous allez plus loin et vous dénoncez le climat actuel, non?

Wilfrid: Notre société s’est vraiment resserrée autour de la peu. Nous voulions du coup parler de la peur de l’autre, de la manière dont elle arrive à être commercialisée en toute impunité. Et le loup incarne cette peur. Il est le prédateur par excellence. Celui dont un livre pour enfant sur trois se sert.

Il vous arrive rarement de faire des livres pour enfants, quels sont les enjeux?

Wilfrid: Quand je concocte un livre à destination du jeune public, je veille à ce que la priorité soit mise sur le moment où l’histoire sera partagée entre les parents et l’enfant. Il faut que le récit enthousiasme les jeunes lecteurs mais aussi que les grands y trouvent un intérêt, qu’ils l’apprécient. Il faut du coup travailler sur le double-niveau et mettre en place des pistes pour que les parents puissent parler plus en profondeur du contenu du livre.

À quoi doit-on veiller par rapport au scénario d’une BD?

Wilfrid: Il importe d’être clair dans les idées qu’on développe, aller à l’économie des mots. Et pour moi, c’est très… dur. J’ai tendance à en foutre partout, à écrire beaucoup. Pour Le loup en slip, j’ai réécrit mes phrases des dizaines de fois.

Mayana: Le livre pour enfant, ce n’est pas si différent de la BD. On procède par storyboards, et tout est recalé ensemble. Comme le nombre d’image est limité, il faut trouver des bons angles. Et comme ça fait huit ans que j’en ai fait mon métier, j’ai l’habitude.

Puis, avec un dessin sur une double-page, j’ai de l’espace et de la place pour mettre mes décors. J’adore les détails, mettre des petites choses, des sous-histoires en background.

Depuis la nuit des temps, des fabulistes aux auteurs de BD actuels en passant par les Disney, les animaux ont toujours été fort utilisés. Pourquoi, selon vous?

Mayana: Par ce qu’ils réussissent à faire passer. Par eux, on fait passer un message avec plus de joie, créer une société plus comique. Puis, ce n’est pas un secret, les enfants adorent les animaux. On pourrait plus difficilement aborder les thèmes du Loup en slip de manière réaliste. Il faut une porte d’entrée, un univers pour y venir.

(c) Lupano - Itoïz chez Dargaud
(c) Lupano – Itoïz chez Dargaud

Le thème est d’actualité, on la dit, avec ce loup qui dit à un moment: « Peut-être que la peur n’est pas la seule raison de vivre? ».

Wilfrid: Cette phrase, elle arrive comme une sorte de conclusion. Ce qu’il se passe actuellement dans notre monde sème un grand désarroi, et ce, sans aucune solution. On peut en tout cas refuser la peur, la remplacer par une autre énergie. Mais je ne veux pas être donneur de leçon. Après avoir démasqué le loup qui n’est pas bien méchant, le peuple de la forêt est perdu, il ne sait plus en qui et s’il doit encore avoir peur. Tout un modèle de vie est dès lors à repenser.

Au-delà de cela, le thème principal est on-ne-peut-plus-actuel: la différence et les apparences trompeuses.

Wilfrid: En slip, on est tous égaux. Et c’est vrai que ces derniers temps, l’actualité a montré qu’il était difficile d’accepter celui qu’on ne connaît pas, dont le mode de vie est différent.

Mayana: Tous ces gens qui commentent l’arrivée des migrants sur Facebook, ça me fait vraiment peur.

(c) Lupano - Itoïz chez Dargaud
(c) Lupano – Itoïz chez Dargaud

Il faudrait les inviter à lire votre livre, non?

Wilfrid: Ils n’ont pas le temps puisqu’ils s’expriment sur Facebook, c’est important.

Quand vous étiez jeune, qu’est-ce qui vous a fait peur?

Wilfrid: Je devais avoir 7 ou 8 ans et j’ai été tout seul au cinéma voir L’espion qui m’aimait. Grave erreur! Dans ce James Bond, il y avait Richard Kiel, l’homme à la mâchoire d’acier. Il m’a empêché de dormir un paquet de nuits. Aujourd’hui, si je le croise, ça va chier, je vais lui faire regretter de m’avoir fait autant flipper! Mais je pense qu’il est mort, paix à son âme.

Mayana: Moi, ce n’était pas un film mais le monsieur d’en face avec une grande hache. Enfin, ça, c’est la version de mon papa. J’ai découvert sur le tard que de monsieur avec une hache… il n’y en avait pas!

Qui mettriez-vous en slip?

Wilfrid: On a tellement déjà tout vu. Beaucoup n’ont pas besoin d’un slip pour paraître ridicule.Mais, voir Donald Trump en slip, ça me rassurerait!

(c) Lupano - Itoïz chez Dargaud
(c) Lupano – Itoïz chez Dargaud

Mayana: Plutôt quelqu’un de beau pour moi.

Wilfrid: Le problème, c’est qu’avec les réseaux sociaux, les pubs, beaucoup de gens se mettent en slip. Même Chirac, si vous vous souvenez. Alors qu’il était en vacances au Fort Brégançon, il avait été pris en photo en slip par un téléobjectif. Mine de rien, ce fut un moment-charnière de la vie politico-médiatique. Cela avait mis des limites à la presse people et lancé un grand débat autour des paparazzis.

Vos projets?

Mayana: Un album pour enfant que j’ai écrit et illustré, ce sera « Maman » aux Éditions du Seuil.

Wilfrid: Beaucoup de secrets dont il est trop tôt pour parler. Mais, il y a notamment la suite de Traquemage, cette aventure médiévale avec Relom. Puis, nous planchons sur le quatrième tome des Vieux Fourneaux. Et j’ai de plus en plus envie de faire des livres pour la jeunesse.

Mayana: Maintenant, je sais qui je voudrais mettre en slip! Vous et tous les autres journalistes. Je serais beaucoup plus à l’aise pour répondre à vos questions. (Rires)

Merci à tous les deux et longue vie au loup!

le-loup-en-slip-lupano-itoiz-couvertureTitre: Le loup en slip

Livre pour enfant

Scénario: Wilfrid Lupano

Dessin: Mayana Itoïz avec la participation de Paul Cauuet

Éditeur: Dargaud

Nbre de pages: 36

Prix: 9,99€

Date de sortie: le 04/11/2016

Extraits:

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