Bertrand Cantat, nous les écorchés: une somme de témoignages de fans ni rose, ni blanche, ni même noire

11204443_1653697008233808_1813361212911493988_nLa journaliste Faustine Sappa publie aux Edition Camion Blanc un ouvrage consacré à Bertrand Cantat. Chanteur de Noir Désir, artiste reconnu pendant de longues années, devenu objet de toutes les attentions depuis le drame de Vilnius, la mort de Marie Trintignant, le procès, la prison. Sujet casse-gueule s’il en est.

L’auteure n’a pourtant pas choisi la facilité sur un chemin déjà semé d’embûches. Elle ne se contente pas de faire la biographie d’une personnalité publique, elle choisit de le raconter à travers ses fans, ces « écorchés » du titre, en référence à la chanson « Les écorchés » sortie en 1989 sur l’album « Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient)« . Car plus qu’un livre sur Bertrand Cantat, c’est un livre sur ses fans, sur base notamment d’un questionnaire adressé à près de 300 fans et d’entretiens réalisés avec une partie de ceux-ci.

L’approche est originale, elle est aussi déstabilisante car le livre parle autant des fans – si pas plus – que de Bertrand Cantat lui-même. Le fan absolu y trouvera probablement son bonheur – sauf s’il se trouve dans la catégorie des « puristes autoproclamés », ceux de la première heure qui dénigreront les commentaires de fans qu’ils estiment illégitimes, ceux qui ont découvert Bertrand Cantat après Vilnius.Un combat bien insipide mais vieux comme le monde

Le lecteur qui cherche une bio de l’artiste sera par contre déçu car la vie du leader de Noir Désir n’est qu’indirectement racontée, à force d’anecdotes de fans, qui parlent autant de leur vie que de Cantat. Certains tics de l’auteur peuvent également nuire à la lisibilité, comme cette manie d’inonder le texte d’extraits de chansons, en italique, avec notes de bas de page pour recontextualiser l’extrait. On ne parle pas ici d’extraits qui font sens, d’un refrain qui donne un regard nouveau sur un événement mais de simples mots (énigmatiques?): « encore et encore » renvoie vers « Comme elle vient« , « mains tendues » vers « Terre brulante« , etc. Certaines pages laissent plus de place aux notes de bas de page qu’au texte lui-même… L’excès nuit en tout et cette multiplication de références et de notes de bas de page devient presqu’obsessionnelle là où elle aurait du n’être qu’un clin d’oeil si elle avait été savamment dosée.

La démarche journaliste enfin est sujette à débat. L’auteur est manifestement – elle ne s’en cache pas – elle-même une fan de Bertrand Cantat. Elle s’en explique d’ailleurs dans l’avant-propos, évoquant des polémiques qui ont vu le jour au début de son projet sur les réseaux sociaux et dont le lecteur n’aurait certainement jamais entendu parler sans cette auto-justification. Faustine Sappa compare même de façon très maladroite – en s’en excusant même comme si elle se rendait compte de cette maladresse : « à sa très modeste mesure » – le procès d’intention qu’on lui fait à celui dont fut victime Bertrand Cantat.

Le manque de recul journaliste précisément se marque particulièrement lorsqu’on évoque l’affaire Trintignant, où l’auteure parle « d’indécence médiatique d’une presse si prompte à essayer de survivre par tous les moyens ». L’artiste est génial, il n’en a pas moins commis les faits qui lui sont reprochés et pour lequel il a payé sa dette à la société avec dignité. Il est dommage qu’un ouvrage de fan et fait pour les fans remette en cause le travail de la presse comme pour occulter la dure réalité des faits qui se sont commis dans cette chambre où nous n’étions pas. Certes la presse – singulièrement lorsqu’elle couvre des faits-divers – n’est pas exempte de défauts mais comme le dit l’expression anglo-saxonne: don’t kill the messenger

Faire dire par exemple par une fan, en se protégeant derrière la citation et les guillemets qui exonèrent l’auteure de toute responsabilité, que, « Marie Trintignant faisait partie d’une grande famille. Famille qui fréquente le gratin et les puissants. Puissants auxquels appartiennent ces torchons » est pour le moins dérangeant. La note de bas de page précise – pour être sûr que tout le monde comprenne – qu’on parle ici du groupe Lagardère, propriétaire notamment de Paris-Match… et des Editions Fayard qui publient en 2003 le livre de Nadine Trintignant. Être fan de l’artiste n’autorise pas, surtout pour une journaliste, à participer à cette entreprise de dénigrement de la famille de la victime.

Dommage…

Dommage car le livre conserve néanmoins un intérêt certain pour un public bien ciblé: le fan ultime qui est autant intéressé par Bertrand Cantat que par ce qui tourne autour, en ce compris le monde des fans, son monde. Tous ces passionnés qui se retrouvent des heures avant l’ouverture des portes des salles de concert pour être aux premières loges, ceux qui restent jusqu’à quatre heure du matin devant une sortie de secours dans l’espoir de le voir ne fut-ce que subrepticement monter dans un véhicule aux fenêtres fumées, ceux qui préfèrent faire le tour de France pour le voir en concert plutôt que de partir au soleil en été, ceux qui passent des heures dans les forums à s’échanger des anecdotes, se partager des photos, écrire des nuits entières sur les paroles,…

Peut-être que le projet serait plus cohérent et mieux reçu par le lecteur s’il était précisé en couverture « Cantat raconté par ses fans… »

Après avoir lu cette critique, Faustine a tenu à une petite précision:

Le sujet du livre n’a jamais été Cantat mais bien les fans et je n’avais pas l’intention de faire une enquête purement journalistique (bien que ce soit mon métier) mais à l’inverse de laisser filtrer mon ressenti. Une démarche qui va d’ailleurs être déclinée dans une nouvelles collection dédiée aux fan, toujours chez Camion Blanc.

2 commentaires

  1. Bonsoir, Bertrand est Bertrand il faut arrêter de parler de cette histoire comme vous l avez dit il à payer sa dette , pourquoi ne pas parler d un homme discret intelligent c’est un artiste avant tout avec une forte personnalité , et je le remercie pour cette force grâce à lui je suis plus forte de la méchanter gratuite des gens qui se nourrisse que de ça !!! Merci pour m’avoir permis de m’exprimer, Roselyne ***

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