Des rencontres improbables, de la Lune à la Terre, de la ville à la forêt, mais toujours en BD

Mais qu’est-ce qui peut bien réunir un SDF engoncé dans sa misère et un gamin trisomique qui rêve de conquérir les étoiles? Et que dire d’une citadine un peu perdue dans sa vie parisienne qui se retrouve face à un honnête épicier? A priori, rien de rien ne pouvait les faire s’effleurer, encore moins se rencontrer. C’était sans compter deux albums qui pallient à notre besoin d’évasion en cette rentrée. C’est chez Bamboo et Grand Angle, et ça vaut la peine.

À coucher dehors… mais la tête dans les étoiles

Après être parti sur les traces de la guerre en Tchétchénie dans Amère Russie, Aurélien Ducoudray et Anlor reviennent plus près de chez nous avec un duo improbable: un SDF parisien endurci et aux allures de Capitaine Haddock dans ce qu’il a de plus mal léché, Amédée, et Nicolas, un jeune garçon atteint par la trisomie 21. Un handicap, certes, qui n’entache en rien la trame étoilée qui lui sert d’histoire et ses rêves cosmonautes. Là où Amédée ne demande rien à personne, Nicolas veut tutoyer Gargarine. L’un à la rue, l’autre dans un centre, les probabilités ne jouent pas en faveur de leur rencontre. Mais impossible n’est pas BD.

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(c) Ducoudray/Anlor

Et voilà que dans le fatras qui sert de logis à Amédée, débarque un notaire ruisselant pour faire d’Amédée, l’héritier tant recherché d’une tante oubliée. Bon, Amédée n’est pas le nouveau Largo Winch, faut pas rêver, mais le voilà désormais propriétaire d’une jolie bicoque avec tout le luxe nécessaire à les faire rêver, lui et ses deux compagnons de rue, Prie-Dieu (un Juif-Arabe né à Lourdes et qui se fait un devoir d’allumer des cierges à ses trois religions) et la Merguez (un grand brûlé black). Une maison que les trois originaux peuvent investir de leur fourbi à une condition: s’occuper de manière irréprochable de Nicolas, le fils trisomique de l’improbable tante. Un jeune garçon souriant, insouciant et qui met un point d’orgue à viser la Lune. Quitte à ce que cette conquête spatiale passe par la… fugue.

(c) Ducoudray/Anlor
(c) Ducoudray/Anlor – Grand Angle

Annoncé sur deux tomes, À coucher dehors fait partie de ces récits qui commencent sur les chapeaux de roues, originaux tout en sachant se faire tendres à l’ombre d’une société où on fait souvent payer le prix de la différence (il y a suffisamment de faits d’actualité l’illustrant, ces derniers mois).

(c) Ducoudray/Anlor
(c) Ducoudray/Anlor

Pas si loin du duo du film Intouchables, le récit de Ducoudray et Anlor part ainsi de deux thématiques pas forcément faciles à traiter pour en tirer le meilleur (dialogues, que le Capitaine Haddock et Audiard réunis ne renieraient pas, à l’appui), toute la saveur et éviter les clichés. Le dessin d’Anlor est d’une spontanéité à toute épreuve, efficace et tourbillonnant, tandis que Ducoudray tisse le suspense autour de ce qui ne pourrait être qu’une succession de gags. C’est fort, tour à tour hilarant et diablement touchant!

(c) Ducoudray/Anlor
(c) Ducoudray/Anlor

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Titre: À coucher dehors

Tome: 1/2

Scénario: Aurélien Ducoudray

Dessin et couleurs: Anlor

Genre: Comédie, Drame

Éditeur: Bamboo

Collection: Grand Angle

Nbre de pages: 48

Prix: 13,90€

Date de sortie: le 07/09/2016

Extraits et petit bonus de réalisation que vous trouverez sur le blog d’Anlor:

Le jour où le bus est reparti sans elle, de l’intérêt de saluer les panneaux… « Interdiction de stationner

Autre album, autre contexte, mais toujours Paris. Pourtant, c’est vrai qu’a priori, le duo scénaristique BéKa, le dessinateur Marko (dont nous vous parlions, dans un tout autre genre, avec Vivre avec…) et la coloriste Maëla Cosson sont des habitués des horizons lointains et du chemin parcouru par les globe-trotteurs du Neuvième Art; en témoigne la collection Géo ou les deux tomes de Voyages. Mais voilà, il faut se laisser faire par le chemin du bonheur. D’autant plus que celui-là, s’il ne parcourt que quelques kilomètres entre Paris et une forêt verdoyante, vous emmène aussi aux quatre coins du monde, au fil des petites histoires zens qui y sont développées.

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Mais, puisqu’il faut bien un début, autant dire que zen, Clémentine ne l’est pas vraiment. Et ce, malgré tous ses efforts pour tenter de saluer le soleil dès son lever à potron-minet et ses postures de yoga pas franchement convaincante. Clémentine est pourtant heureuse dans sa petite vie parisienne, enfin, plus ou moins. Son travail la satisfait, même si n’est pas vraiment celui auquel elle rêvait. Son appartement est sympathique, avec une belle vue sur cette étrange voisine qui salue les panneaux interdisant de stationner.

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Mais c’est vrai, peut-être manque-t-il quelqu’un auprès d’elle. Et Clémentine est dans la phase de sa vie, emprunte de solitude, où elle n’arrive plus à relativiser. Peut-être est-ce pour ça qu’elle a décidé de prendre part au week-end organisé par un « club » de méditationnistes qu’elle connaît à peine. Et c’est réciproque, le grand gourou du groupe, un certain Jean-Eudes, ne se rappelle même pas son prénom.

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Aïe aïe aïe, qu’il commence mal ce récit, en compagnie de ces adeptes de la méditation un peu trop sûr d’eux quitte à prendre « ceux qui n’y connaissent rien » pour de la m….. Que sont allés faire dans cette galère Clémentine, BéKa, Marko et Cosson? Oh, mais attendez, voilà qu’à la faveur d’un besoin naturel, Clémentine s’est échappée du bus à l’orée d’un bois, dans une épicerie. Et le bus de repartir sans elle! Les auteurs nous prennent à revers et voilà qu’une toute autre histoire commence, en compagnie d’un épicier sympa et qui, lui aussi, a fait son chemin. Pour preuve, pour chaque difficulté rencontrée, il a toujours une petite histoire à raconter. Des petites fables, des contes qui, mine de rien, font avancer le schmilblick.

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(c) BeKa/Marko

II faut toujours se méfier des appellations d’origine incontrôlée, mises là pour faire vendre. Alors, c’est vrai, quand j’ai lu « Feel-good book » en devanture de cette bande dessinée à la couverture emplie de verdure, j’ai pris un peu peur. Fallait pas, et il fait bon s’aventurer dans « Le jour où le bus est reparti sans elle ». Un livre sans prétention qui a pourtant l’audace de remettre un paquet de choses en place, dans nos vies trop souvent chahutée par la réalité. Le temps d’un week-end (et pour nous, lecteurs, de 70 pages), dans les pas de Clémentine, nous prenons le temps. Du voyage entre une technicienne de surface de la Sillicon Valley et deux fermiers, père et fils, d’un pays lointain. Mais aussi du voyage personnel, car si la BD ne parle pas de nous, elle nous y ramène quand même, sans cesse, pour faire le point et immiscer l’idée qu’il faut toujours avancer. Toujours. En prenant soin de revoir sa définition de la chance, de se boucher les oreilles ou encore de faire force de ses défaites et faiblesses.

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Voilà un livre à ne pas remiser de sitôt car il vous appartiendra de le ressortir et d’en relire des passages fréquemment. On le parie!

le-jour-ou-le-bus-est-repartie-sans-elle-beka-marko-cosson-couvertureTitre: Le jour où le bus est reparti sans elle

Scénario: BéKa

Dessin: Marko

Couleurs: Maëla Cosson

Genre: Parenthèse, Conte moderne

Éditeur: Bamboo

Nbre de pages: 70

Prix: 15,90€

Date de sortie: le 31/08/2016

Extraits et petits bonus de réalisation:

4 commentaires

  1. J’ai beaucoup aimé ce livre. Déjà de très beaux dessins, une ambiance vraiment agréable dans les couleurs. L’approche est maligne et tord le cou aux « maîtres » à penser zen un peu escrocs… Le thème de la méditation en pleine conscience est abordé intelligemment. On est proche de Jollien, Christophe André. Mais sans tomber dans le « feel good-book »

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