Interview de Frank Pé (2/2): « Dans une reprise, soit on essaie de chanter comme les Beatles, soit on essaie de trouver sa propre interprétation »

Après avoir abordé le passé, place au présent et au futur de Frank Pé. Nous sommes toujours dans la lumière de l’atelier fantastique de Frank Pé. Et en jetant un coup d’oeil sur le bureau de l’auteur, on voit pointer le bout du nez d’un célèbre Groom, bien connu des lecteurs de Bande Dessinée.

Frank, vous êtes finalement maintenant dans un travail de recréation. De Spirou mais aussi du mémorable Little Némo. Comment ces deux projets-là vous ont-ils trouvé?

Comme je touchais à beaucoup de choses autour de la BD, j’ai commencé, vers 50 ans, à reconnaître tout ce que je devais aux auteurs qui m’avaient précédé. Je suis revenu en plein dans la BD. Ça a notamment donné l’exposition et le livre des Portraits Héroïques, ces portraits de vraies personnes imaginaires qui auraient pu prêter leurs traits à des héros de BD célèbres.

Frank Pe - Les portraits héroiques - Docteur Kilikil
Le portrait héroïque du docteur Kilikil (Dupuis)

Après quoi, on m’a proposé de travailler sur Little Nemo tandis que j’avais aussi envie de reprendre Spirou. Ça s’est finalement fait de manière très logique dans ma propre démarche.Frank Pe - Némo - Surprise

Notamment parce que j’avais une dette vis-à-vis de Franquin et que c’était tout à fait adéquat par rapport au mouvement historique de la bd qui est semblable à celui de la chanson. Il y a ce retour aux fondamentaux. Les chanteurs qu’on entend à la radio n’hésite pas à faire des reprises, parfois bien meilleures que les originaux, parfois pas du tout, mais peu importe. En BD, pourquoi ne pas voir ce même phénomène.

Un phénomène bien présent.

Nous sommes en pleine crise de créativité avec, à la clé, un recentrage sur les valeurs sûres. D’où un réel phénomène de reprises. Je me suis inscrit sans le savoir dans ce mouvement-là. Et ça me plaît beaucoup, c’est tout à fait juste pour moi de faire ça. Et avec le Spirou, je suis comblé! Le projet suivant sera aussi une reprise d’un personnage très marquant qui devrait être tout aussi passionnante. Mais mystère et boule de gomme, je ne peux pas encore le citer.

Frank Pe - Spirou - Visuel

Certains rétorqueront sans doute que c’est moins personnel?

Je ne vois pas en quoi! Franchement, il faut avoir un sacré regard personnel si on veut, non pas reprendre le style, mais les bases d’une série.

Il faut savoir insuffler de sa personnalité aussi!

Il y a deux manières de faire l’histoire. Soit on essaie de chanter comme les Beatles et de trouver le même son de sono qui crachote dans les coins. Ou bien on essaie de trouver sa propre interprétation de la chanson qui nous a touché lorsqu’on était môme. Et ça, c’est tout autre chose. On se mesure au géant, on n’essaie pas de faire le petit suiveur. Et là, ça devient passionnant.

Frank Pe Fantasio
Case extraite de Spirou vu par Zidrou et Frank Pé: L’Okapi Blanc

Ce Spirou, quelle est sa genèse?

Il y a très longtemps! Quand j’ai commencé à publier, je me souviens encore que, avec les copains, on se disait que Franquin avait bien repris le groom des mains de Jijé qui le devait à Rob-Vel. Ce n’était pas son personnage et Franquin en avait fait quelque chose génial. Puis, l’époque est venue où Nic Broca et Cauvin ont repris Spirou, ce n’était vraiment pas bon! Et nous, ambitieux que nous étions, nous voyions cette descente aux enfers du personnage, on se disait « ah, si on pouvait en faire un, ce serait autre chose, quoi!« .

Et ça m’est resté, j’ai gardé cette folie pure de vouloir me mesurer à cette série. Non pas pour faire mieux que les autres; après Franquin, ce serait insensé! Mais d’y ajouter une petite pierre de ce que je sais faire au monument général, l’idée me plaît. Dans toutes les constructions, il y a toujours des zones d’ombre et il y a des constructions pour lesquelles on se dit qu’on pourrait apporter un petit truc. Parfois on se plante, parfois pas. Et donc, ce projet, je le porte depuis très longtemps mais je ne l’ai réveillé qu’il y a six ou sept ans.

Pourquoi?

J’ai écrit un scénario que je ne trouvais pas assez abouti. Puis avec l’éditeur qui trouvait mon projet intéressant, on a cherché un scénariste et trouvé Zidrou. La connexion a été parfaite. Il a apporté son savoir-faire en plus de ses qualités techniques et professionnelles, et c’est devenu une histoire à nous deux! Et puis on a commencé à la raconter, à la dessiner, il y a un an et demi.

C’est une histoire de 82 planches en plus! D’autant qu’une reprise, c’est toujours un peu plus compliqué au début, il faut trouver ses marques, définir son style, introduire de nouveaux personnages. Dans ce tome, il y a énormément de création, des décors qui n’existaient pas, des engins, tout un environnement de cirque et donc des animaux. Il y a plein de choses. Puis, plus particulier, il est question de peinture magique dans cette histoire. Et je vais devoir faire des tableaux, en plus des planches. Ils seront inclus dans les planches. Elles ne sont pas encore faites. Je travaille sur les douze dernières planches. Je suis sur le dernier galop. Au début, ça va lentement, au milieu, on trouve son rythme et vers la fin, ça va un peu plus vite.

Ce n'est pas la première fois que Frank Pé 
dessine Spirou. Il en a déjà eu diverses 
occasions au sein du Journal de Spirou

frank Pe - Spirou et Fantasio - Le vieux chemin

Vous nous pitchez un peu cette histoire?

L’histoire parle d’un phénomène artistique. De peintures contemporaines. D’une galerie d’art. De peintures envoyées anonymement à une galerie bruxelloise. On ne sait pas d’où elles viennent mais elles fascinent complètement tout qui les voit. On ne comprend pas ce phénomène. C’est le premier mystère.

Deuxième mystère: des champignons envahissent la planète et Champignac va être appelé à la rescousse. D’autant que ce sont des champignons très bizarres, sans spores, ni mycelium, sans capacité de se reproduire et pourtant… ils envahissent tout.

Frank Pe - Spirou - Champignac
Case extraite de Spirou vu par Zidrou et Frank Pé: L’Okapi Blanc

Et Spirou dans tout ça?

L’action quant à elle va se dérouler dans un cirque au sein duquel il y a… Noé, le dresseur d’animaux de Bravo les Brothers. Spirou va retrouver sa trace, Noé est entouré d’animaux, et tous vont être au coeur de ces deux mystères. Voilà les ingrédients. Il y aura donc pas mal de cirque, un peu de Champignac, le Maire aussi. Fantasio bien sûr.

L’histoire se passe dans un futur proche avec un Spirou qui a un peu vieilli et porte des lunettes, il ne voit plus bien clair. Il va devoir transmettre son rôle de héros à une jeune ado. C’est tout nouveau pour lui, il est un peu gauche, il n’a jamais eu d’enfants et pourtant la jeune génération est là et pousse. Et Spirou commence à s’assagir.

Vous mettez finalement le stéréotype du héros qui ne vieillit pas et est hermétique à l’amour, à la vie de famille, en plein dans la réalité!

Il y a aussi une petite nana qui le drague, d’ailleurs. Mais je pense que c’est ça qu’il faut faire quand on fait une reprise. Il faut remettre le personnage dans un contexte proche du réel. Sinon, on reste dans les clichés et les personnages deviennent inconsistants. Pour donner de la consistance – et c’est le but de la collection « Spirou vu par… » – il faut redonner vie le plus possible au héros.

Spirou - Frank Pe - Planche (11)
Extrait du Spirou vu par Zidrou et Frank Pé

C’est ce qu’il manque cruellement à Tintin! C’est un personnage mort parce qu’il n’a que les albums existants et rien de la vraie vie ne vient le réveiller, sinon les nostalgies. Et la nostalgie, ce n’est pas la vraie vie. La vraie vie, c’est le présent, pas le passé. Le passé est formidable, mais ce sont des coffres dans une banque. (Rires) Et un personnage doit se gorger du présent avec tous les problèmes qui y sont assortis. C’est à ça que sert le présent, ce sont des défis nouveaux: les immigrés, Daesh…. on n’a jamais été confrontés à ça auparavant. C’est une source de questionnement et de vrais problèmes à résoudre mais aussi une source pour les fictions qui vont donner une réponse, non pas politique ou économique, mais poétique, rêvée, inconsciente… C’est le rôle de l’artiste de remplir toute cette sphère intérieure et humaine. À côté des gens pragmatiques.

Mais les artistes ont-ils une voix?

Pour moi, les réponses des artistes sont nettement plus intéressantes, en tout cas. Quand un livre d’enquête nous fait comprendre le sort des migrants, leur ressenti le long d’une route qui n’en finit plus; ça n’a rien à voir avec les déclarations d’un Premier Ministre qui ne peut faire que dans le cliché en jouant sa réélection. On a tellement la tête dans le guidon, qu’on fonce dans les panneaux d’avertissement tout le temps. Il n’y a plus de sagesse dans notre société.

Frank Pe - Journal de Spirou - Le papier de Broussaille
Le papier de Broussaille dans le Journal de de Spirou

La bande dessinée a quand même tendance à se réapproprier le réel, de plus en plus.

C’est une bonne chose. Que ce soit à la Van Hamme où la fiction se passe dans le monde de maintenant, à la James Bond. Why not. Soit qu’on joue avec les éléments du réel, les uchronies, ça c’est bien. Il y a beaucoup de bons scénaristes et de bonnes séries!

Beaucoup de trop?

Oui, c’est clair, il y a trop de sorties. C’est le problème d’éditeurs qui ne font pas leur boulot et sont minés par des objectifs commerciaux. Et leur obsession est de chercher ce qui marche. Et pour ce faire, on sort beaucoup de livres et on voit ce qui sort de la tête et fait un succès. Les éditions Delcourt sont l’exemple le plus flagrant et ils l’assument clairement. Or un éditeur doit avoir du nez et savoir repérer un auteur qui promet quelque chose avant de l’aider. Ce n’est pas toujours le cas, ils ont tendance à laisser faire. Il faut le porter jusqu’au bout cet auteur, jusqu’à ce qu’il arrive au public. Noyer le marché avec plein de choses qui n’en valent pas la peine est loin d’être la solution.

Frank Pe - Fresque - guépard

On n’est quand même loin des cartes blanches d’antan, on tentait sa chance sans forcément en attendre. Ici, c’est l’inverse, on donne des faux espoirs à des jeunes qui n’attendent que ça, non?

On se retrouve à 25 ans, avec une femme, des enfants, 4-5 albums et l’impossibilité d’en vivre et de nourrir sa famille parce qu’ils n’ont pas percé. Les cartes blanches, c’était de la presse, on pouvait tester le public en ne prenant que des risques mineurs.

Maintenant, un album, c’est lourd! Ou alors, ce qu’il se passe, c’est que les éditeurs payent tellement mal que les auteurs sont obligés de produire quatre planches par jour. C’est comme ça qu’on obtient des grosses patates qui parlent de leur nombril. Ça intéresse les internautes mais ça ne va pas loin. On n’en fera pas des grandes œuvres. Et ils n’auront que la monnaie de leur pièce.

Durant l’exposition, on découvre aussi une autre facette de votre oeuvre: vos travaux sur des dessins animés! 

C’est une première! Personne n’a vu ça jusqu’ici. Ce sera l’occasion de voir tous ces dessins de recherches qu’on ne montre habituellement pas.  Avec l’équipe du Centre Belge, nous avons trouvé judicieux de montrer les dessin mais aussi une vidéo compilant tous les autres dessins que, par manque de place, nous ne pouvons montrer. Donc, le visiteur pourra voir une quantité impressionnante de choses, c’est enrichissant.

Comment y êtes-vous arrivé?

Ça a commencé avec Excalibur. Ou non, ça a commencé tout au début: avant que je ne sois publié, j’ai fait un mois chez Belvision, comme intervalliste. J’ai pu tâter un peu du dessin animé, c’était l’époque de Gulliver (ndlr. de Peter Hunt, réalisateur du James Bond Au service secret de sa majesté). Richard Harris jouait Gulliver. Et tous les Liliputiens étaient animés par Belvision.

Et donc, bien plus tard, le Roi Lion sort, puis le Prince d’Égypte chez Dreamworks, ce qui fait un tabac commercial et incite énormément de maisons de productions hollywoodiennes à investir le dessin animé qui ne coûte finalement pas si cher et peut rapporter gros. Et la Warner veut faire un dessin animé ado-adulte dans la veine du Prince d’Égypte mais en un peu plus adulte, très noir, très celtique: Excalibur, l’épée magique (Quest for Camelot). Problème, tous les artistes américains sont pris et la Warner n’a pas d’autres choix que de se tourner vers l’Europe pour y trouver des dessinateurs. Et notamment Claire Wendling et moi, et une dizaine d’autres qui refusent. Il faut dire qu’il fallait immédiatement lâcher le crayon et nos projets respectifs pour travailler pour eux. Moi, ça me plaisait et j’ai accepté.

Asen - Andenne - Frank
Recherches pour le film Excalibur Quest for Camelot

Mais quel est exactement le travail qu’on vous demandait?

Ça consistait être très créatif, chercher des personnages, des animaux. On avait le meilleur rôle du film, en fait. Malheureusement, la production a changé son fusil d’épaule et décrété que le film s’adresserait finalement aux 8-12 ans. Toutes les belles recherches ont fini à la poubelle et ils en ont fait la daube que l’on connaît. Une horreur. Il n’y a rien de ce que j’ai fait dedans!

Asen - Andenne - Frank
Recherches pour le film Excalibur QuQuest for Camelot

Mais ce n’est pas grave. Ce fut un moment formidable. J’ai adoré faire ces recherches pures, c’était une première et ça m’a permis de découvrir des capacités que je ne soupçonnais pas. Je ne recherchais pas pour publier mais uniquement pour alimenter un travail collectif. Et à ce moment-là, on travaillait de manière totalement différente. Je suis parti là-bas, ai loué une voiture pour visiter la Californie. La grande aventure.

Malgré que cette première expérience n’aie pas abouti, il y en a eu d’autres!

Quand j’ai eu d’autres propositions pour des dessins animés, j’ai toujours essayé de les accepter. Quand je ne pouvais pas, j’ai envoyé des copains. J’ai été en contact avec Cartoon Film à Berlin, une branche de Warner Allemagne, pour qui j’ai travaillé sur le deuxième Plume, le petit ours polaire, Plume et l’île mystérieuse. J’y ai créé tous les animaux du film. L’histoire se passait aux Galapagos. Avec Cartoon Film, il y a aussi eu Dodo, une histoire qui se passait à Bornéo. Là aussi, j’ai dessiné tous les animaux, mais ce n’est pas sorti chez nous.

Et il y a eu du cinéma live aussi!

Oui, j’ai participé à l’adaptation de Quartier Lointain de Jirō Taniguchi par Sam Garbarski. Au montage final, on ne voit pas grand chose. Dans ce récit, le personnage principal est un dessinateur, l’équivalent européen du mangaka, de Taniguchi. Du coup, à chaque fois qu’on voit du matériel, des planches, des dédicaces, les faux bouquins,  tout était de moi. Et le film se termine quand le personnage rentre chez lui, il voit sa famille par la fenêtre et il y a un fondu enchaîné, et l’image réelle devient un dessin qui raconte en BD tout ce qu’il a vécu au cours du récit. Dans le film, cette séquence s’arrête vite, au bout d’une planche.

Frank Pe - Quartier Lointain
Extraits de Quartier lointain de Sam Garbarski – Entre chiens et loups

Mais Sam Garbarski m’a demandé de travailler beaucoup plus, de dessiner plusieurs séquences du film. J’ai donc fait tout ce travail pendant le tournage. C’était encore un tout autre travail, en fait, je devais me mettre dans la peau du créateur de BD tout en collant au style du film et en représentant les acteurs, qu’on puisse les reconnaître.

Dans le cinéma aussi, votre actu est bouillonnante!

Exact. récemment, j’ai travaillé sur Robinson Crusoe de Vincent Kesteloot produit par Ben Stassen, il sortira en avril et j’en ai créé tous les animaux.

Avec une grande subtilité, cette fois, c’est d’animation 3D qu’il s’agit, une première!

Concernant la 3D, mon travail se situait bien en amont des techniques de sculpture numérique. Personnellement, je travaillais à l’ancienne, sur papier, pour alimenter les « sculpteurs ». Après quoi, nous en discutions ensemble.

La 3D impose de devoir tenir compte de certains angles. Par exemples, le perroquet de face ne doit pas avoir les yeux cachés par son gros bec. Il faut également penser aux textures très réalistes que ce genre d’image permet. Le travail en équipe, avec ses spécialistes de tous poils, est passionnant.

Frank Pe - Recherches Robinson Crusoe - Perroquet
Recherches pour le film Robinson Crusoe – NWave

Il y a des envies de cinéma, chez vous?

Il y a eu à un moment une proposition d’adapter Zoo, mais ça n’a pas abouti jusqu’ici. J’ai eu aussi des propositions pour Les baleines publiques, le premier Broussaille. Sans suite. Mais je ne suis pas plus motivé par ça car j’ai eu l’écho de beaucoup de confrères disant que l’expérience est plus douloureuse qu’autre chose, qu’on est plus souvent trahi que révélé et que c’est un parcours du combattant. En fait, on est broyé par une énorme machine et s’y retrouver n’est pas simple. Ce ne sont pas des petits auteurs qui me l’ont dit, ce sont les tout grands. Donc, est-ce que ça vaut la chandelle?

On pense qu’en passant au cinéma, on va connaître la célébrité. Mais non, pas forcément. Ce n’est plus un critère. Mais s’il y a un vrai beau projet, je suis tout de suite preneur. S’il s’agit d’un acte créatif, j’y participerai avec grand plaisir. J’adore tant apprendre et créer me motive. C’est ce qui m’est resté à travers les années. Mais faire du cinéma pour faire du cinéma, non!

Quel est l’avantage de la BD face au cinéma?

Un coup de crayon ne coûte rien, c’est juste de l’énergie, un peu de temps et un peu de talent. Ce ne sont pas l’encre de Chine et le papier Schoeller. On peut faire tous les décors possibles et imaginables, faire le casting qu’on veut.

Par contre la BD conserve cette image un peu bon enfant. Et j’aime beaucoup ce côté « terrain vague, » on n’est pas encore totalement coincé comme dans le cinéma. La production n’est pas encore contraignante au point de nous bloquer. Notamment au niveau de la pub, des suppressions de scène par manque de budget. Puis, il y a tous ces talents monstrueux qui n’ont pas tourné tous les films qu’ils voulaient tout simplement parce que pendant trois ans, ils cherchaient du fric. Au lieu d’être créatif, de travailler sur leurs scénarios. C’est effrayant.

Frank Pe - Little Nemo 2 - Ours
Extrait de Little Nemo 2 – Toth

La BD qui investit d’autres champs, aussi.

En BD, on a encore beaucoup de chance, même si on n’est pas encore bien reconnus. Il y a pourtant tout un mouvement qui reconnaît le dessin dans les salles de vente. J’ai la chance d’avoir des dessins qui passent chez Christie’s ou Sotheby’s. Mais ça ne veut encore rien dire parce que c’est un autre phénomène qui opère: de tout grands comme Franquin, Jijé et d’autres ont été reconnus récemment comme de vraies valeurs artistiques et, donc, leurs cotes montent. Et les gens qui veulent faire des placements voient la plus-value monter très vite. Alors les galeries se disent qu’il faut tenter le coup avec plein de gens. Mais ça ne marche pas avec tout le monde.

Et la sculpture?

Je m’y suis mis il y a une vingtaine d’année, j’en fais peu par manque de temps et parce que ça coûte cher à fondre. Ça se vend très bien, mais c’est surtout un plaisir, car tout le prix va au fondeur! J’adore ça, je trouve cela magnifique. Je regrette que la sculpture ne soit plus vu comme un art moderne et contemporain, qu’elle n’ait plus sa place dans la cité. En 1900, il y avait des sculptures à tous les squares, ça mettait de l’humain, ça faisait vivre les villes. Parce qu’il n’y a rien à faire, même allégorique et pompier – mais pas toujours -, le corps humain était mis dans la vie de tous les jours.

Frank Pe - Sculpture éléphant Asen - Andenne - Frank

Désormais, on n’a plus ce miroir, on se croit tous invincibles. On croit juste qu’on est des écrans d’ordinateur, on mange mal, on vit mal. Ce miroir de l’humain ou de l’animal s’est perdu, ne se fait plus. Pire, un métier s’est perdu, malheureusement, avec la noblesse formidable qui en émanait. C’était une manière de représenter les choses dans leur vie, leur complexité, leur poésie.

Un tout grand merci, Frank!

Frank Pé ou les passions d’un Fauve, exposition dès ce 22 mars au Centre Belge de la Bande Dessinée de Bruxelles (Ouvert tous les jours de 10 à 18 heures)

Quelques extraits de Spirou – L’okapi blanc de Zidrou et Frank Pé, parution le 2 septembre (n’hésitez pas à cliquer pour agrandir):

Spirou - Frank Pe - Planche (1) Spirou - Frank Pe - Planche (2) Spirou - Frank Pe - Planche (3) Spirou - Frank Pe - Planche (4) Spirou - Frank Pe - Planche (5) Spirou - Frank Pe - Planche (6) Spirou - Frank Pe - Planche (7) Spirou - Frank Pe - Planche (8) Spirou - Frank Pe - Planche (9) Spirou - Frank Pe - Planche (10) Spirou - Frank Pe - Planche (11) Spirou - Frank Pe - Planche (12) Spirou - Frank Pé - Planche (13) Spirou - Frank Pe - Planche (14)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et un peu de Little Nemo:

Enfin, voilà une idée de ce que vous pourrez y voir (et encore plus sur la référence www.frankpe.com qui nous a beaucoup aidé):

9 commentaires

  1. Bonjour,

    Merci pour cet entretien très instructif.
    J’ai cependant noté une erreur dans la note de la rédaction concernant Peter Hunt (dans la réponse à la question « Comment y êtes-vous arrivé ? »)

    Peter Hunt était chef monteur sur les cinq premiers JAMES BOND (1962-1967) et réalisateur de la seconde équipe sur ON NE VIT QUE 2 FOIS (1967). C’est Terence Young qui était réalisateur du premier film de la série avec Sean Connery (Dr. NO).
    Peter Hunt a bien réalisé un JAMES BOND, mais il s’agit de AU SERVICE SECRET DE SA MAJESTE (1969) avec George Lazenby dans le rôle principal et non S. Connery qui venait de rendre son smoking.

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