De la neige sous un pont en mauvaise posture, des accents délicieux et un sociopathe providentiel pour bien propulser Irons, série à enquêtes pas banale

À la vision de la couverture irréelle (un pont cassé au milieu des étoiles) de la nouvelle série proposée par Tristan Roulot, le stakhanoviste Luc Brahy et Hugo Facio chez Troisième Vague, on aurait pu croire à une aventure spatiale, nageant en pleine science-fiction. Si l’on peut tout de même parler de science-fiction (en termes de fiction faisant appel à la science d’un personnage-clé), c’est bien entre mer (ou presque), ciel et terre que se déroule ce premier tome qui prend le risque de prendre pour héros un sociopathe (étonnant quand on construit des ponts, reliant des vies) et à l’emmener dans une enquête magistrale sur l’Île du Prince-Édouard. Au large du Nouveau-Brunswick, dans un Québec qui n’a pas perdu son accent.

© Roulot/Brahy/Facio chez Le Lombard

Résumé de l’éditeur : Spécialisé dans les superstructures, Jack Irons est un ingénieur aux compétences très rares. Misanthrope et sarcastique, l’homme est difficile à aimer. Mais le spécialiste est sans égal dans sa profession. Ponts géants, constructions improbables dans les contrées les plus hostiles, si le défi semble impossible à relever, c’est Irons qu’on appelle.

© Roulot/Brahy

Couler dans le fer inébranlable et parfois rouge vif avec un caractère explosif, Irons a d’abord été coulé dans l’Ohio, lors de l’effondrement catastrophique du Silver Bridge. Funeste pour le reste de sa famille. Des années plus tard (les auteurs se gardent bien de nous dire ce qu’il s’est passé et jouent l’ellipse), Jack est ainsi devenu ingénieur et constructeur de pont. La raison de sa présence dans ce Canada où l’hiver se prolonge dramatiquement n’est pas claire mais toujours est-il qu’il tombe tel un homme providentiel. Au bon moment et au bord du précipice créé par l’effondrement d’abord incompréhensible du Confederation Bridge. Deux jeunes n’ont pas eu cette chance et n’ont pas pu freiner à temps, se jetant malgré eux dans les eaux glacées du Saint-Laurent et du Détroit de Northumberland.

© Roulot/Brahy/Facio chez Le Lombard

Qu’un pont de cette taille et relativement neuf explose en mille morceaux, cela cache forcément quelque chose. D’autant plus que ce pont et sa création ont jeté pas mal de pécheurs de la région, et la région elle-même, dans un désœuvrement et une misère dont ils ne sont toujours pas sortis. Le geste était-il criminel ? La police locale, plus habituée à régler des problèmes de voisinages ou des petits méfaits, n’en mène pas large et patine sur les eaux gelées. Le seul qui pourrait les aider face aux experts corrompus de la société qui a entrepris le pont ? Jack Irons. Mais encore faut-il qu’il le veuille même contre un pont d’or. Et ça, ce n’est pas dit. Sauf si les coups du sort s’en chargent.

© Roulot/Brahy

Ce premier tome bien foutu d’Irons, c’est une enquête un peu à la sauce des Meurtres à… proposés par la télévision publique française. Mais avec beaucoup plus de charme, de soin et de tension, ici. De retournements de situation à toute épreuve, aussi. Puis, globetrotteur du Neuvième Art (dernièrement il était dans la Russie d’un tsar éternel), Tristan Roulot, le Breton qui a changé de mer pour s’installer au Québec, n’a jamais été aussi proche de chez lui. Et ça se sent dans ces contrées qui forment la rudesse des humains mais aussi leur solidarité.

© Roulot/Brahy

Ça se sent d’autant plus que le scénariste nous dépayse en représentant la sonorité des accents et des expressions décapants ayant cours en bord de Saint-Laurent. Passant des cuisines surpeuplées aux villages dépeuplés, le trait de Luc Brahy fait toujours autant d’effet pour créer la catastrophe autant que pour se glisser dans les conversations à enjeux et à clés de compréhension en trouvant les angles pour ne pas lasser son lecteur. Puis, il y a quelques scènes dantesques, aussi. Hugo Facio, lui, se charge de nous plonger dans les couleurs de cet hiver qui dure, dans les eaux catastrophées ou les temps d’accalmie. Voilà un album dont on n’attendait pas grand-chose et qui nous a offert tout ce qui compte pour provoquer notre plaisir dans un monde dont on ne connaît rien et que les auteurs parviennent avec passion et érudition à nous faire découvrir.

© Roulot/Brahy/Facio chez Le Lombard

Série : Irons

Tome : 1 – Ingénieur-conseil

Scénario  : Tristan Roulot

Dessin : Luc Brahy

Couleurs : Hugo Facio

Genre: Enquête, Policier

Éditeur: Le Lombard

Collection : Troisième Vague

Nbre de pages: 56

Prix: 12,45€

Date de sortie: le 06/04/2018

Extraits : 

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